Hommage rendu à Jean-Claude Larrat à la Sorbonne le 10 juin 2023

Biographie de Jean-Claude Larrat
Jean-Claude LARRAT (1948-2020), ancien élève du lycée du Parc à Lyon puis de l’Ecole Normale Supérieure (Ulm), fut agrégé de Lettres Classiques en 1972. Il commença sa carrière d’enseignant au lycée Jacques Amyot de Melun, où il exerça jusqu’en 1989. En 1981, il soutint son DEA intitulé Corps et roman sous la direction de Jean-Pierre Richard à l’Université Paris-IV – Sorbonne. Puis sous la direction de Marius-François Guyard, il rédigea sa thèse, André Malraux, théoricien de la littérature : des « Origines de la poésie cubiste » aux « Voix du Silence » (1920-1951) qu’il soutint en 1991 également à l’Université de Paris IV – Sorbonne. Une version abrégée de ce travail fut publiée en 1996 dans la collection « Ecrivains » aux Presses Universitaires de France sous le titre Malraux, théoricien de la littérature (1920-1951). En 1997, son mémoire La littérature entre production et séduction dirigé par Michel Autrand lui permit d’obtenir une Habilitation à Diriger des Recherches. De 1991 à 1997 il fut maître de conférences à l’Université Stendhal de Grenoble, où il dirigea un séminaire de recherches sur la crise de la représentation. Puis de 1997 à 2012, il fut professeur de littérature française du XX° siècle à l’Université de Caen-Basse Normandie. Il y dirigea de 1999 à 2001, le département de littérature française et de littérature comparée. Il y anima l’équipe de recherche « Textes, Histoire, Langages » puis le séminaire de recherches « Contraintes formelles et imaginaire du vivant ».
L’étude de l’œuvre d’André Malraux, principalement l’œuvre romanesque, fut la grande passion de la vie de Jean-Claude Larrat, il y consacra l’essentiel de son travail académique et publia différents ouvrages : Malraux (collection Balises chez Nathan en 1992), La Condition Humaine, roman de l’anti-destin  (édition Paradigme, 1995), Premières leçons sur les romans d’André Malraux (PUF, Major-Bac, 1996), L’Espoir (Nathan Balises, 1996), André Malraux (Librairie Générale Française, le Livre de Poche, 2001). Soucieux de partager son enthousiasme pour cet auteur, il présida avec Pierre Coureux de 1991 à 2001 les Amitiés Internationales André Malraux. Il participa à de nombreux colloques et publia une foule d’articles consacrés à l’œuvre de Malraux : on retrouvera les principaux dans Sans Oublier Malraux (Garnier, 2016) et Sans Oublier Jean-Claude Larrat (Présence d’André Malraux n° 19, 2022). Avec Jacques Lecarme, il codirigea en 2001 le Colloque International de Cerisy, André Malraux, d’un siècle l’autre et ensemble ils en publièrent les actes. De 2004 à 2009 il dirigea aussi la série « André Malraux » de la Revue des Lettres Modernes. Il dirigea également de 2008 à 2015 la préparation et la publication du Dictionnaire André Malraux (Garnier, 2015) où il rédigea une soixantaine de notices. Son travail contribua largement à faire connaître et comprendre l’œuvre de Malraux.

Ses amis ont tenu à témoigner. La Sorbonne – 10 juin 2023

Introduction de François de Saint-Chéron à l’hommage rendu à Jean-Claude Larrat à la Sorbonne le 10 juin 2023

Chère Madame, chers amis,
 
Je n’arrive pas à me rappeler ma première rencontre avec Jean-Claude Larrat. Aussi ai-je l’impression de l’avoir toujours connu, même si je n’ai jamais fait partie du cercle de ses amis intimes. Quoi qu’il en soit, de toutes mes rencontres avec lui je garde un bon souvenir, depuis ce moment très cordial que nous avions passé, dans un café parisien, avec Jacques Lecarme, en 2000 ou 2001, alors qu’ils préparaient tous deux le colloque de Cerisy et me pressaient amicalement d’y participer.
Dans les années qui suivirent, Jean-Claude Larrat acceptera de faire partie de mon jury d’habilitation, et lorsque des problèmes survinrent pour l’organisation de la soutenance, Jean-Claude me soutint et m’encouragea avec beaucoup de sympathie.
Il m’est donc particulièrement agréable de rendre hommage à cet homme, à ce chercheur extrêmement compétent, sobre, discret et modeste. Avec d’autres, j’ai collaboré au remarquable Dictionnaire André Malraux qu’il a dirigé pour les Classiques Garnier, et j’ai apprécié, dans les années qui ont précédé la parution de ce volume, sa manière toujours courtoise et toujours fiable – et je ne dis rien de la qualité des notices qu’il a signées personnellement. 
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai éprouvé pour notre collègue une profonde et amicale estime, et je suis heureux que la présentation de Sans oublier Jean-Claude Larrat puisse avoir lieu ce matin à la Sorbonne



Mme Monique Larrat
Sorbonne – 10 juin 2023
Souvenirs

            C’est avec beaucoup d’émotion que je reviens en ces lieux prestigieux que j’ai fréquentés autrefois, dans ma lointaine jeunesse, comme étudiante puis agrégative, et d’autant plus que c’est à l’occasion des cours d’agrégation de Lettres Classiques que nous préparions la même année (en 1972) que j’ai fait la connaissance de Jean-Claude : en effet, tous deux normaliens en ces temps reculés où garçons et filles vivaient dans des écoles distinctes, en plus des cours dispensés rue d’Ulm ou boulevard Jourdan, nous assistions à plusieurs cours en Sorbonne. C’est donc en ces lieux que nous nous sommes remarqués, puis apprivoisés avant de lier davantage connaissance en ces locaux conviviaux si nombreux aux alentours. Les hasards de nos carrières respectives ne nous ont pas ramenés souvent dans cette maison, mais c’est là que Jean-Claude a soutenu sa thèse sous la direction de Marius-François Guyard en janvier 1991 : André Malraux, théoricien de la littérature : des « Origines de la poésie cubiste » aux « Voix du Silence » (1920-1951), thèse qu’il a ultérieurement abrégée pour publier l’essai du même titre, aux Presses Universitaires de France. C’est ici aussi qu’il a soutenu son Habilitation à Diriger des Recherches en janvier 1997 : son mémoire s’intitulait La littérature entre production et séduction et fut dirigé par Michel Autrand. Bien sûr, j’ai accompagné Jean-Claude pour ces temps forts de sa carrière. Mais me revoici maintenant seule ici à ce rendez-vous que vous m’avez proposé pour rendre hommage à Jean-Claude, mais heureusement accompagnée par votre bienveillante attention, du moins je l’espère. Ces souvenirs revivent fortement en moi aujourd’hui.
            La romancière Claire Etcherelli a récemment publié un ouvrage intitulé : Prenez grand soin de m’oublier. On peut dire cela de soi, et encore, en espérant qu’on ne vous prendra pas à la lettre, mais pour quelqu’un qui a tant compté dans votre vie, comme ce fut le cas de Jean-Claude pour moi, on vit dans la mémoire et on se soucie surtout de la prolonger. C’est pourquoi je suis très reconnaissante à Pierre Coureux et à l’association des Amitiés Internationales André Malraux d’avoir initié et mené à bien le beau projet de ce Sans oublier Jean-Claude Larrat. Sa préparation a au moins eu le mérite de m’aider à vivre ces dernières années depuis le décès de Jean-Claude en essayant de me glisser dans sa pensée, j’espère quand même qu’il saura trouver une plus large audience. Je remercie également P. Coureux de m’avoir invitée à présenter aujourd’hui cet ouvrage paru à l’automne dernier. Je remercie vivement aussi M. François de Saint-Chéron qui s’est chargé d’organiser cette réunion (ainsi que tous ceux qui ont, de près ou de loin, participé à la réalisation de ce numéro 19 de Présence d’André Malraux).
            N’étant moi-même ni malrucienne ni même universitaire, seulement ancienne professeur de Lettres, généraliste comme on l’est quand on enseigne en khâgne, je suis assez intimidée d’avoir à prendre la parole aujourd’hui devant tant d’éminents spécialistes. Aussi limiterai-je mon propos à une genèse de cette anthologie Sans Oublier Jean-Claude Larrat pour tenter d’en éclairer les choix.

 
            J’avais bien sûr lu les écrits de Jean-Claude lors de leur production, nous en avions même discuté, parlé serait plus exact, car Jean-Claude ne tolérait guère la discussion sur un sujet aussi essentiel pour lui, quand parfois on risquait une remarque critique sur ses analyses ! Aussi m’inclinais-je vite devant son autorité ! Mais quand P. Coureux m’a proposé de préparer cet ouvrage, tout fut très différent. D’abord Jean-Claude n’était plus là pour diriger la manœuvre. J’avais conscience du grand honneur que cette anthologie posthume représenterait pour lui et de la responsabilité qui m’incombait de tenter de le faire revivre encore un peu, en redonnant vie à ses études.
            Il faut dire que son travail sur Malraux a constitué pour Jean-Claude l’essentiel de sa vie, j’en ai même parfois été un peu jalouse ! Comme il le dit dans l’introduction de Sans Oublier Malraux, il a découvert les romans de Malraux en classe de seconde, La Condition humaine d’abord, et alors ce fut un choc, une révélation pourrait-on dire, comme certains lorsqu’ils entrent en religion : il a littéralement été subjugué par ces romans qui faisaient une large place aux questions existentielles qu’il commençait à se poser, de façon très différente de tout ce qu’il avait lu jusqu’alors et de ce qu’on lui avait enseigné. De Malraux, ce n’est ni le ministre ni l’esthète qui ont retenu son intérêt, mais plutôt l’aventurier des jeunes années en Asie ou en Espagne ou encore le résistant et surtout l’écrivain qui a nourri sa sensibilité, son écriture et sa réflexion de ces expériences. La chronologie (1920-1951) que Jean-Claude a retenue pour délimiter sa thèse en atteste. Cette révélation initiale a donc orienté, après quelques hésitations, son choix d’études, même si les cours et le travail de khâgne l’ont plus d’une fois déçu et rebuté, même si ses déceptions de carrière l’ont amené par la suite à regretter ce choix. Mais « quand le vin est tiré, il faut le boire » et « jusqu’à la lie », comme il l’a dit plus d’une fois, lui qui préférait l’eau et tous les sodas au vin. Quand j’ai connu Jean-Claude, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, nous préparions l’agrégation, il fallait s’intéresser à Du Bellay ou Nerval, à La Chanson de Roland ou à l’Iliade, mais très rapidement après le concours, Malraux s’est imposé comme objet de ses recherches, d’abord sous l’angle du corps et de ses représentations pour son DEA (Corps et roman, soutenu en 1981 sous la direction de Jean-Pierre Richard), puis sur le conseil de son directeur, M. Marius-François Guyard, c’est aux idées littéraires du romancier qu’il a consacré sa thèse. Même pendant son service militaire, il s’efforçait de trouver un peu de temps pour compléter sa connaissance de Malraux ; j’ai retrouvé récemment une lettre de cette époque où il me parlait de sa lecture des Antimémoires. Ses travaux universitaires l’ont amené à étudier bien d’autres auteurs du XX° siècle, mais le plus souvent il gardait Malraux en ligne de mire de ses réflexions. Et tout au long de sa carrière, comme vous le savez, il a rédigé une foule d’articles sur l’œuvre de Malraux pour des colloques ou publications divers. Mais après le travail de longue haleine que fut la préparation et la direction du Dictionnaire André Malraux paru chez Garnier en 2015, puis la publication de Sans Oublier Malraux en 2016, il a décidé de mettre un terme à ce travail, il a décliné toutes les sollicitations pour rédiger de nouveaux articles ou participer à des colloques et refusé obstinément mes sollicitations pour rédiger un ouvrage plus synthétique à une époque de la vie où il en aurait eu le temps. J’en expliquerai d’ailleurs mieux les raisons tout à l‘heure. Au même moment (était-ce une cause ou une conséquence ?), la vie perdait beaucoup d’intérêt pour lui et, devançant la maladie, la mort le hantait déjà.
 
            J’en viens maintenant à la genèse de l’ouvrage, Sans oublier Jean-Claude Larrat, dont il est question aujourd’hui. J’ai été heureusement bien accompagnée, d’abord par Jean-René Bourrel, puis Cristina Solé-Castells dans cette entreprise très nouvelle pour moi qui n’avais jamais rien publié et n’appartenais pas au cénacle malrucien. Je voudrais rendre particulièrement hommage à Cristina pour l’énorme travail ingrat qu’elle a mené pour préparer la réimpression des textes, les mettre aux normes, réviser les notes, mener à bien les relectures préalables au tirage. Je remercie également Michel Leroy, autre relecteur attentif mais surtout maître d’œuvre de l’édition, de sa mise en page et de son illustration, ainsi que Peter Tame qui a participé à l’élaboration ô combien difficile des résumés et a assuré leur traduction en anglais. Je voudrais encore dire un grand merci à Jean-Louis Jeannelle pour sa belle préface.
            Une fois le projet de cette nouvelle anthologie lancé par Pierre Coureux et Jean-René Bourrel, le défi était immense pour moi. Je me suis vite mise au travail, d’abord en relisant les textes de Jean-Claude, mais tant de choses m’échappaient ; aussi me suis-je également replongée dans l’œuvre de Malraux, dont je ne connaissais guère que les romans et quelques écrits esthétiques. Mais le problème restait entier : on ne pouvait pas reprendre tous les nombreux articles de Jean-Claude (et les Amitiés Internationales André Malraux m’ont néanmoins permis d’en publier beaucoup, ce dont je les remercie), même si l’on exceptait ceux réédités dans Sans Oublier Malraux qui sont facilement accessibles encore aujourd’hui. Alors quels textes choisir ? comment les ordonner, de façon chronologique ou plus thématique ? A la différence de mes lectures antérieures de ces articles, espacées au fil du temps des publications, cette relecture plus rapide me fit assez vite apparaître qu’ils s’éclairaient ou se complétaient assez souvent les uns les autres malgré les années qui pouvaient les séparer. Ne fallait-il pas essayer de dégager certains cheminements et lignes de force de la pensée de Jean-Claude en procédant à des regroupements, au prix parfois de quelques redites ? C’était l’esprit dans lequel il avait lui-même conçu Sans Oublier Malraux, j’en ai donc fait mon modèle de travail, tout en cherchant d’autres problématiques pour entrer dans d’autres aspects de sa pensée. On comprendra ainsi pourquoi j’ai plagié le titre que Jean-Claude avait choisi pour dénommer ce nouvel ouvrage.
            Le premier sujet s’est rapidement imposé à moi : M. Coureux et M. Bourrel insistaient pour que je propose une biographie de Jean-Claude, mais je connaissais assez sa méfiance, nourrie par celle de l’auteur des Antimémoires, pour écarter une telle présentation. Jean-Claude avait heureusement rédigé à l’occasion d’une réunion d’anciens khâgneux du lycée du Parc à Lyon en 2010 un petit mémoire autobiographique, présenté avec l’autodérision qu’il aimait pratiquer pour parler de lui. Ce fut donc le point de départ de l’ouvrage, je l’ai complété par un bref épilogue pour évoquer les dix dernières années de sa vie et par un relevé de quelques dates-clés pouvant servir de repères pour comprendre ce que fut sa carrière. Il m’a semblé aussi qu’il fallait justifier ces réticences par rapport à l’approche biographique par les textes de Jean-Claude lui-même, où il commente l’anti-biographie pratiquée par Malraux, article publié par Mme Anissa Chami en 2006 (dans André Malraux. Quête d’un idéal humain et de valeurs transcendantes), ou la tendance de Malraux à mythifier sa propre vie pour justement échapper à sa biographie, article édité en 2015 dans Signés Malraux. André Malraux et la question biographique, sous la direction de Martine BOYER-WEINMANN et de Jean-Louis JEANNELLE.
            Il me fallait aussi justifier pourquoi éditer une nouvelle anthologie d’articles de Jean-Claude après Sans Oublier Malraux. La première raison était l’abondance de ses articles (plus d’une soixantaine), dont Sans Oublier Malraux n’avait publié qu’un choix restreint (une vingtaine), dont la sélection fut d’ailleurs douloureuse pour Jean-Claude. Par ailleurs, certains de ses textes écrits et publiés il y a une quarantaine d’années étaient devenus difficilement accessibles pour les chercheurs d’aujourd’hui, alors que souvent ils posent des jalons essentiels pour comprendre son cheminement intellectuel. De plus, dans ses dernières années, Jean-Claude avait beaucoup réfléchi à l’esthétique du fragment, qui constitue la base du Musée Imaginaire de Malraux mais qui caractérise aussi l’élaboration du Miroir des Limbes. Il a d’ailleurs tenu à rédiger une notice Fragment dans le Dictionnaire. Il pense même que, chez Malraux, ce n’est pas seulement une esthétique, mais une conception de la vie dans une modernité aléatoire, comme la qualifie L’Homme Précaire et la Littérature. Si, dans cette perspective, Malraux refusait la continuité du récit romanesque ou biographique traditionnel, ainsi que la composition aboutie d’un traité esthétique pour préférer la forme plus libre et ouverte des essais, Jean-Claude refusait aussi la continuité d’une approche globalisante, qui ne pourrait que trahir une réflexion faite de questionnements plus que de réponses. La forme du dictionnaire, éclatée et gouvernée par l’ordre aléatoire de l’alphabet, convenait à cette pensée, Jean-Claude y a consacré beaucoup d’énergie en dirigeant le Dictionnaire André Malraux et y rédigeant quelques notices. Une collection aléatoire d’articles prenait donc sens dans ce contexte.
           
            Fallait-il alors chercher à mettre un peu d’ordre dans cette complexité ? Jean-Claude m’en avait donné l’exemple en choisissant quelques nœuds essentiels et récurrents dans cette pensée discontinue pour construire Sans Oublier Malraux, tels l’art et l’artifice, les notions d’histoire ou de littérature, entre autres le rejet du récit. J’en ai donc cherché d’autres. Je fus d’abord tentée par le farfelu, dont Jean-Claude fut, je crois, un des premiers à cerner le rôle majeur dans la pensée de Malraux, sans le cantonner aux œuvres de jeunesse comme André Vandegans. Mais Sans Oublier Malraux avait déjà republié un article sur le farfelu dans le « Musée Imaginaire », un autre sur l’écriture farfelue et une étude de Clappique, revalorisant ce personnage farfelu, jusque-là un peu méprisé de La Condition Humaine, dont Jean-Claude soulignait pourtant le rôle clé pour la compréhension du roman. De plus, au même moment, Sylvie Howlett préparait le PAM n°18, où elle approfondissait considérablement l’enjeu vital de cette notion chez Malraux. J.R. Bourrel m’avait aussi suggéré l’exotisme ou l’ethnographie, Jean-Claude avait en effet beaucoup travaillé sur ce sujet à l’époque où il avait préparé l’édition du Règne du Malin dans le volume que Marius-François Guyard, son directeur de thèse, dirigeait pour la Pléiade. Pour un colloque à Pékin, il avait rédigé un article sur Malraux et la Chine. Un cours d’agrégation sur Leiris l’a aussi amené à comparer l’approche de l’ethnologie par Leiris et Malraux et à écrire l’article Malraux et l’ethnologie, republié dans Sans Oublier Malraux. Un autre cours d’agrégation qu’il avait fait sur Victor Segalen lui avait fait comprendre combien l’approche de Malraux s’écartait de l’exotisme de Segalen. Aussi a-t-il souhaité rédiger lui-même les notices Exotisme et Ethnologie du Dictionnaire André Malraux. Mais ces sujets ont été approfondis par Jean-René Bourrel et, de plus, plusieurs numéros de Présence d’André Malraux avaient abordé les relations de Malraux avec la Chine et l’Asie, puis l’Afrique. Il valait donc mieux trouver d’autres pistes.
           
            J’ai été frappée par la récurrence sous la plume de Jean-Claude de la notion de métamorphose, pas seulement, comme il est habituel, à propos des œuvres esthétiques de Malraux, mais très souvent associée à la notion d’aventure, comme quête par l’homme d’une métamorphose de soi, l’aventurier (entre autres le héros révolutionnaire) tentant de s’arracher à sa vie biologique pour se recréer, pour faire de sa vie une œuvre : une façon, pourrait-on dire avec les mots de Jean-François Lyotard, d’échapper au « bios » pour s’élever à la « graphè ». Lyotard a justement bien montré combien cette problématique était essentielle, vitale même pour Malraux.Même si l’on trouve ce rapprochement entre métamorphose humaine et esthétique dans plusieurs articles de Sans oublier Malraux, il m’a semblé qu’on pouvait mieux l’explorer, et ce d’autant plus que j’avais retrouvé dans l’ordinateur de Jean-Claude un article Au pays moï que je crois inédit et qui éclairait assez bien cette tentative, certes avortée, chez le personnage de Mayrena dans Le Règne du Malin. J’ai souhaité intituler cette partie « Aventure et métamorphose », ce quipeut surprendre, pour souligner la liaison que Jean-Claude établit constamment entre ces deux notions : ce concept de métamorphose forgé par Malraux dans ses écrits esthétiques pour traiter de la façon dont les œuvres d’art du passé peuvent revenir à la vie, il le déplace pour éclairer les romans antérieurs, dont les héros lui paraissent en quête d’une métamorphose d’eux-mêmes : comme Kyo, sous son moi social, que les autres entendent par les oreilles, ils cherchent cette « affirmation de fou », ce moi fondamental perçu par la « voix de gorge » , cette « ipséité » qui seule fonderait leur être, si on pouvait l’atteindre. Même quand il réfléchit plus spécifiquement à la métamorphose des œuvres d’art, comme dans l’article que nous republions « En relisant Maurice Blanchot : le musée, l’œuvre et la métamorphose. », Jean-Claude rapproche explicitement œuvres esthétiques et romanesques, sous le signe de cette métamorphose dont le fantasme hante tant de héros des romans de Malraux, sans doute Malraux lui-même (peut-être aussi Jean-Claude ?) et qui, à défaut de pouvoir être vécue dans le réel (tous les personnages y échouent), trouve un substitut dans la création de l’œuvre d’art qui, écrit-il, « nous fait sortir de nous-mêmes, nous place hors du champ d’action de la Nature et accède, elle, à la possibilité d’une métamorphose. »

Un autre point avait de longue date retenu mon attention : la passion mise par Jean-Claude à essayer de comprendre comment le romancier avait pu susciter chez lui tant d’admiration dès sa jeunesse, au point de renoncer à la carrière d’ingénieur à laquelle il songeait et aux classes de taupe qui y menaient pour choisir la voie ingrate de la khâgne. Les études de Lettres étaient le moyen d’acquérir les connaissances pour comprendre cette fascination, surtout à une époque où la mode structuraliste mettait l’accent sur les problèmes formels. Jean-Claude fut alors rapidement frappé par le rôle des discours par lesquels l’auteur s’adresse indirectement au lecteur (sans qu’il ne s’agisse pourtant ni d’une prédication moralisatrice ni d’une écriture à thèse) et c’est ce qui l’amena à étudier l’art de la scène dans les romans de Malraux et celui du discours dans les Antimémoires : ce furent ses premiers articles sur Malraux dans le milieu des années 1980, avant l’achèvement de sa thèse. Ces discours permettent de pénétrer dans l’intériorité des êtres ; situés souvent en des moments cruciaux de l’action ou lors de rencontres capitales, ils plongent et nous font plonger dans la conscience vécue des personnages face à l’énigme fondamentale de la vie. C’est sans doute ce qui fait leur force et leur confère leur pouvoir de « contagion ». Dix ans plus tard, Jean-Claude approfondit cet aspect en étudiant « le roman et l’essai séduits par le discours poétique », qu’il définit justement dans la foulée de Bakhtine comme un discours monologique issu de la conscience individuelle et, comme tel, aporétique, tant les êtres sont opaques aux autres et même à eux-mêmes. Ces textes de jeunesse posent les prémisses d’une réflexion sans cesse reprise et approfondie sur le refus malrucien du récit, dont témoignent plusieurs articles repris dans Sans oublier Malraux. Je voudrais néanmoins souligner combien ces analyses, parties d’une recherche formaliste, lui échappent pour s’inscrire dans le sillage des réflexions de Malraux, lui-même convaincu du rôle essentiel dans toute création de la forme par laquelle les vrais artistes tentent de dominer « l’informe univers », comme il l’écrit dans L’Homme Précaire et la littérature.
 
            Avec ces deux parties, celle sur l’aventure et la métamorphose et celle sur la forme, je tenais deux axes qui me semblaient centraux dans la réflexion malrucienne de Jean-Claude. Pourquoi alors s’aventurer vers le domaine plus éloigné de l’enseignement et de la didactique ? D’abord par fidélité au professeur qui a consacré à ce travail une vingtaine d’années de sa vie, comme professeur au lycée Jacques Amyot de Melun, puis comme Maître de conférences ayant à enseigner la didactique aux futurs professeurs de Lettres dans le cadre de ce que l’on appelait alors l’IUFM de Grenoble, c’est-à-dire l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres. Il faut commencer par rappeler combien cette longue période fut difficile pour Jean-Claude, convaincu avec Malraux, que la littérature s’aime ou non mais ne s’enseigne pas. Mais Jean-Claude qui ne faisait jamais les choses à moitié s’est beaucoup investi dans ces tâches, et il a entrepris de lire les théoriciens alors en vogue. Il s’est vraiment interrogé sur la façon de construire un enseignement littéraire de qualité malgré ses réserves et celles de Malraux. Quand j’ai relu ses articles didactiques, ils m’ont pourtant semblé dépasser les querelles pédagogiques de l’époque et pouvoir encore nourrir une réflexion actuelle. J’ai surtout été frappée par l’appui que cette réflexion prenait sur la pensée de Malraux lui-même, qui conférait au jeune professeur l’autorité lui permettant de résister à la consécration qui était alors celle de Barthes dans le milieu académique. Le texte vivant et sans cesse renouvelé par chaque lecture selon Barthes était celui de la métamorphose des œuvres, pourrait-on dire, si Malraux n’avait surtout réservé cette notion aux arts visuels, et Jean-Claude le jugeait incompatible avec un enseignement nécessitant ordre, méthode et connaissances. Il s’interrogea justement sur les connaissances à faire acquérir aux élèves pour les aider à accéder aux œuvres et conquérir ainsi leur liberté de lecteur ; à cet effet, il tenta de construire une pédagogie du sens et de la culture. J’ai aussi été impressionnée par la façon dont ce travail lui avait permis de rénover le vieux poncif de l’opposition entre Corneille et Racine, comme il le fit dans une conférence encore inédite mais que nous publions, prononcée à Columbia au début des années 2000 : les héros cornéliens y préfigurent la quête malrucienne de métamorphose et le désir de faire de soi une œuvre, tandis que ceux de Racine se meuvent dans le texte éternellement réécrit de l’analyse sentimentale, honnie de Malraux et de Jean-Claude. Il m’a donc semblé souhaitable de porter ces textes à la connaissance de chercheurs Malruciens, même éloignés des questions de didactique.
 
            Dans sa préface, Jean-Louis Jeannelle a souligné combien, à la différence d’autres universitaires, Jean-Claude avait réduit son domaine de recherches en se limitant à un seul écrivain, qu’il se plaisait à sans cesse approfondir. C’est à la fois juste et faux, car pour comprendre Malraux, il s’est intéressé à d’illustres devanciers, Lautréamont, Gourmont, Gide surtout, protecteur honoré mais honni pour son goût du « petit tas de secrets » exécré par Malraux, et bien sûr Baudelaire, le maître des artifices, avec qui Malraux lui semblait partager une vraie fraternité intellectuelle. De plus, ses cours d’agrégation, dont il a assuré la préparation pendant une bonne quinzaine d’années, l’ont amené à se pencher sur nombre d’auteurs qui occupèrent beaucoup de nos conversations. Ces études l’ont intéressé, celle de Beckett, de Sarraute ou de Bernanos, mais il a aussi souffert de devoir faire cours sur des écrivains qu’il n’appréciait guère, comme Aragon, Robbe-Grillet ou Lagarce sa dernière année d’enseignement, mais il les a étudiés avec sérieux et toujours avec la pensée de Malraux à l’horizon. Dans Sans Oublier Malraux, il a republié sa comparaison de l’écriture autobiographique de Leiris et de Malraux. Ici, dans ce PAM n°19, nous proposons de relire la confrontation de l’énonciation romanesque chez Aragon et Malraux, qu’il rédigea pour le colloque qu’il avait organisé à Cerisy en 2001 avec Jacques Lecarme. Ces comparaisons me semblent éclairantes par la façon dont le jeu des oppositions permet de caractériser les écrits de ces auteurs et surtout les spécificités de Malraux. C’est pourquoi j’ai souhaité en donner un aperçu dans ce numéro de Présence d’André Malraux. Au travers de toutes ces confrontations apparaissent toujours une angoisse certaine de l’indifférenciation primordiale de la nature et de la vie chère à Gourmont, et une aspiration, celle de la métamorphose, ce « qu’un homme peut faire de mieux de sa vie », c’est-à-dire « transformer en conscience une expérience », comme le dit Garcia à Scali dans L’Espoir (O.C. II, p.337).
 
            Vous aurez sans doute trouvé que mes propos manquent de la rigueur qu’on attendrait en ces lieux, mais j’ai préféré donner à cette présentation un côté plus personnel. Pour terminer, je voudrais surtout redire l’espoir que j’ai exprimé dans le livre, celui que de nouveaux chercheurs y trouvent matière à continuer ou discuter les travaux de Jean-Claude, ce qui serait une belle façon de le rendre encore un peu à la vie, au moins dans son domaine d’élection, bref de tenter une « métamorphose », si ce n’est pas galvauder ce terme si cher à Malraux.
 
 
Claude Travi
 
Jean-Claude Larrat avait la générosité de son intelligence.
L’homme était précis, scrupuleux et modeste (trop peut-être), habile à dénouer les fils d’une discussion mal engagée. Je le connaissais depuis 1986.
  Brillant universitaire et ancien pensionnaire de la rue d’Ulm, c’est à Grenoble et surtout à Caen, qu’il mena sa carrière universitaire.
  Tout a commencé par sa thèse sur Malraux et la littérature, soutenue à Paris, en 1991, qui, refondue, deviendra l’ouvrage “Malraux théoricien de la littérature”, publié aux PUF, en 1996. Publications et participation à de nombreux colloques suivirent, où l’on retrouvait son instinct sûr tourné vers l’essentiel. Son esprit toujours en éveil savait s’attarder aussi au champ du modernisme. La lecture de Georges Sorel – sur lequel il n’écrivit jamais – l’influença profondément. “Ses études sur Malraux furent l’essentiel de sa vie et, à ses yeux, ce qui lui donnait un sens”, comme me l’a écrit Madame Larrat.
 Maintenant, plusieurs générations peuvent se réclamer de son travail.
   J’avais parfois le regret qu’il ne s’intéresse pas davantage à la peinture et à la sculpture. Mais, me disait-il : “Ce n’est pas du domaine d’un protestant !” Ce à quoi il apporta lui-même un démenti avec l’article qu’il signa avec Jean-Louis Jeannelle “Filmer l’art avec Malraux”.
  Avec Jacques Chanussot, j’ai eu la chance de partager son amitié, à l’occasion  de la publication de nos “Dits et Ecrits d’André Malraux”, pour lequel il écrivit une généreuse préface et, plus tard, de celle du “Dictionnaire Malraux”, chez Garnier. Je me souviens de nos interminables conversations téléphoniques.
    C’est avec respect, estime et reconnaissance, que nous nous levons aujourd’hui en son honneur, afin de témoigner du rang, qui est le sien.
 
 
Evelyne Lantonnet
 
Je souhaiterais commencer par exprimer ma gratitude à l’égard de Jean-Claude Larrat, parce qu’il s’est trouvé à plusieurs carrefours de ma carrière et il y a joué un rôle important.
La première initiation a été celle des colloques auxquels il m’a conviée : Cerisy avec Jacques Lecarme (2001), Lexington avec Domnica Radulescu (2002).
À cet égard, je tiens à vous informer que les actes du colloque de Lexington “Malraux et la diversité culturelle”, publié en 2004 chez Minard vient d’être réédité par Classiques Garnier.
 
La deuxième expérience a été la participation au Dictionnaire André Malraux (2015), entreprise qui n’a pas été sans tribulation. Jean-Claude Larrat a montré beaucoup de ténacité pour défendre et mener à bien ce projet, tout en faisant preuve d’un respect constant de ses contributeurs.
 
Enfin, la plus belle opportunité a été pour moi la reprise de la Revue des Lettres modernes, dont il avait publié le dernier numéro (13) chez Minard. Lorsque je l’ai interrogé sur le devenir de cette revue, ni Christiane Moatti ni lui-même ne semblait prêt à reprendre le flambeau. Je sais gré à tous deux de m’avoir permis, en accord avec les éditions Classiques Garnier, de prendre la responsabilité éditoriale de cette revue et j’espère ne pas être trop indigne de ce précieux héritage. Le numéro 16 consacré à L’Homme précaire et la littérature devrait paraître prochainement.
 
En parcourant la carrière de Jean-Claude, telle que Madame Larrat a bien voulu la retracer (p. 72-74), il m’a semblé que deux traits étaient assez caractéristiques de la manière de travailler de notre collègue. Je retiendrai d’abord la persévérance : c’est un homme qui va jusqu’au bout sans fléchir, quels que soient les obstacles. Le second trait qui m’a frappée, c’est une curiosité intellectuelle, qui sans cesse se ressource.Veut-il approfondir? Il entre en dialogue avec des esprits éminents, qui l’incitent à reformuler un débat, à changer de point de vue. Cette pratique est assez rare, pour qu’elle mérite d’être soulignée.
Plus cette vie de chercheur avance, plus elle s’ouvre et se diversifie.
 
C’est sans doute cette curiosité intellectuelle, qui est le legs le plus stimulant qu’il laisse aux jeunes générations.
 
 
Jean Garapon
 
Paradoxe de l’amitié : connaissant Jean-Claude depuis l’Ecole normale, mais de loin, j’ai fait plus précisément sa connaissance lors d’une période militaire de réserviste à Saumur, et le plus ancien souvenir que je garde de lui est celui d’un homme en uniforme, qui acceptait très bien et avec humour les contraintes de la vie d’officier, d’officier de réserve il est vrai, s’en amusait aussi. Etait-ce déjà un souvenir de Malraux, de l’homme de la guerre d’Espagne, de la Résistance ? Jean-Claude était un homme à la fois liant et réservé, qui ne livrait pas tout de suite ses secrets… Il y avait chez lui une passion du service désintéressé, avec une part de rêve. Nous avions échangé longuement sur nos expériences d’enseignants en lycée ; c’était un professeur de lettres passionné, portant en lui la mémoire du grand enseignement public des III° et IV° Républiques, amoureux de la littérature française et souhaitant faire partager sa passion auprès du public scolaire, bien réservé (et c’est peu dire) sur l’évolution de notre enseignement. Je me souviens à ce propos (et ne crois pas me tromper) de sa joie quand un de ses élèves du Lycée Jacques-Amyot de Melun a obtenu une distinction au Concours Général de Latin (« au moins je ne lui ai pas désappris le latin », ce fut sa formule). Ce qu’il se gardait bien de me dire en revanche, c’est que lui-même avait été distingué jadis de façon fort flatteuse au même Concours Général, en Dissertation française cette fois. Je l’ai retrouvé plusieurs années après, dans les couloirs de l’Ecole, sortant d’un cours d’agrégation sur Malraux l’année où l’écrivain était au programme. Je l’ai revu plusieurs fois ensuite lors de commissions de recrutement, en particulier à Caen où il a été longtemps le spécialiste de littérature du XX° siècle. J’avais de ses nouvelles par notre ami commun Yves Moraud, grand lecteur de Malraux lui aussi, et par une nièce caennaise, qui rédigea un mémoire de maîtrise sous sa direction sur Camus. « Monsieur Larrat » me disait-elle avec un respect infini… Je garde de lui, moi qui n’ai pas lu son œuvre critique que je sais considérable, le souvenir d’un esprit rigoureux et fin, d’un homme de longue tradition intellectuelle, détestant le conformisme de pensée, d’un homme de courage et d’admiration aussi, héritier -je ne l’ai su qu’après- d’une tradition protestante de lecture et méditation sur les textes, le tout baigné de réserve lyonnaise. Rigueur d’esprit, goût intransigeant pour le sens des livres, indépendance, fidélité en amitié : voilà en quelques mots le souvenir, le beau souvenir, que je garde de Jean-Claude Larrat.
 
 
Moncef Khemiri
 
Jean-Claude Larrat,
Ou l’art de concilier rigueur et bonté.
 
En 1996, à l’occasion du XXe anniversaire de la disparition d’André Malraux, j’avais organisé à Tunis,  avec  un groupe de collègues du  Département de langue et littérature françaises,   à l’université  de la Manouba ,  un colloque   sur André Malraux et l’écriture, qui s’est déroulé les 11-12 et 13 avril.
Avaient pris part à ce colloque 15 intervenants.
Du côté tunisien, on comptait   Samir Marzouki, Amor Ben Ali,  Hamdi Hemaidi,  Ali Abassi et Ahmed Hosni.
Du côté français, il y avait Henri Godard, Christiane Moatti, Michel Autrand, Jean -Yves Guérin et Jean -Claude Larrat. La communication de ce dernier portait comme titre : “La bourgeoisie ou la négation de la métamorphose”. Cette communication avait alors suscité beaucoup d’intérêt par l’éclairage nouveau qu’elle apportait sur la relation de Malraux avec la pensée bourgeoise.
Elle a été publiée   dans les actes de ce colloque parus, en 1997.
 
A l’occasion de ce colloque,  j’avais organisé   chez moi, à la Résidence El-Morjane, à El -Menzah 9, à Tunis , un dîner en l’honneur de nos invités. Sur la photo, on voit debout et en noir Moncef Khemiri, à sa droite Madame Chistiane Moatti, et à côté de celle-ci, on voit Jean-claude Larrat. De dos, on voit Henri Godard en bleu, Ahmed Hosni en blanc. A gauche de Moncef Khemiri, on voit Jean-Yves Guerin, Hamdi Hemaidi et Michel Autrand.
 
C’est à cette occasion, que j’avais fait la connaissance de Jean -Claude Larrat qui m’avait offert alors son livre sur Malraux théoricien de la littérature, a marqué le début d’une longue amitié   entre Jean-Claude et moi. Nous avons beaucoup échange sur les relations du jeune Malraux avec les poètes et les peintres de Montmartre.  Il m’avait envoyé alors le livre de Gabory  qui est encore  dans ma bibliothèque.  J’appréciais en lui sa grande rigueur mais aussi son extrême bonté.
 
Je l’ai retrouvé   ensuite aux Etats-unis,  en 2002, au colloque organisé par Domnica Radulescu  sur  Malraux  et la diversité  culturelle.  Et nous avions alors beaucoup sympathisé. En 2013, il me fit l’immense honneur de me proposer de participer au Dictionnaire Malraux   qui sera publié sous sa direction en 2015.
Il avait dirigé l’élaboration des différentes notices avec compétence, rigueur et bienveillance.
 
Je ne l’oublierai pas.
 
 
Françoise Demont
 
Monique,
Je voudrais te dire toute mon admiration. Nous nous connaissons bien toutes les deux, nous avons travaillé ensemble, et j’étais, au lycée Jacques Amyot de Melun, la collègue de ton mari.
Je le rencontrais en salle des professeurs: sa compétence, son sérieux, sa droiture ne faisaient de doute pour personne. Son sourire discret s’accordait bien avec sa nature profonde, celle d’un être secret, habité par une gravité que l’on percevait, et que son petit rire, qui n’appartenait qu’à lui, soulignait.
Pour tout le travail que tu as accompli sur les écrits de Jean-Claude, je t’admire, Monique; pour tout ce que tu nous as dit de lui, à travers ses textes, je te remercie, tu nous l’as rendu présent..