Décès de Elena Aub, dernière fille de Max Aub

Gérard Malgat a rédigé cet hommage adressé à la Coordination des associations de mémoire de la République espagnole.

Elena Aub, fille de l’exil

Elena Aub Barjau est décédée le 14 mai dernier à Madrid. Elle était la dernière des trois filles de Max Aub et de Perpetua Barjau après le décès de ses sœurs María Luisa en 2013 et de Carmen en 2015.

J’ai rencontré Elena Aub pour la première fois en 1996 à Segorbe, au siège de ce qui était alors « el Archivo-Biblioteca Max Aub », la Fondation allait être constituée l’année suivante. Nous avons engagé la conversation sur mon travail et sur l’importance de la France dans la trajectoire d’exils de Max Aub. Notre dialogue réveillant les souvenirs de son enfance parisienne, Elena me dit alors : « si tu veux nous pouvons parler français ». Elena et ses sœurs avaient vécu à Paris et fréquenté les écoles élémentaires de la ville durant les années 1937 à 1940, période suffisamment longue pour qu’une petite espagnole de 6 ans maîtrise parfaitement la langue du pays de résidence.

Elena est née à Valencia le 18 septembre 1931, quelques mois après l’avènement de la Seconde République. Après la nomination de Max Aub comme attaché culturel à l’ambassade de Paris, toute la famille s’installe dans la capitale en mars 1937. Aub rentre en Espagne l’année suivante, mais Perpetua Aub et ses filles restent vivre à Paris. Après l’exil de Max Aub en janvier 1939, la précarité économique contraint le couple à confier leurs filles à des familles d’accueil, ce dont se souvenait Elena :

Après notre installation rue du Capitaine Ferber, en février 1939, nous avons été placées dans des familles de la banlieue parisienne. […] J’ai été placée dans une famille ouvrière de banlieue, membre du Parti communiste…. Je crois que c’était une famille italienne. Je crois me souvenir de leur nom : les Bedovati. Puis je suis partie à l’île de Ré, dans un camp organisé par les syndicats. C’était un camp de vacances d’été ; mais les événements militaires amenèrent les responsables à laisser les enfants éloignés de Paris et nous restâmes dans ce centre pendant huit ou neuf mois. De plus l’approvisionnement en nourriture dans la capitale devenait plus difficile. Pendant ce temps, Max terminait le tournage du film « Sierra de Teruel » à Joinville.

Après l’arrestation de Max Aub par la police française en avril 1940 et son internement au camp du Vernet, la situation devient très difficile et Perpetua Barjau décide de retourner en Espagne avec ses trois filles. Elles devront supporter six années de franquisme avant de pouvoir partir retrouver Max Aub au Mexique, où il s’est réfugié en octobre 1942 après avoir pu sortir du camp de Djelfa.

Elena, comme toute la famille prend la nationalité mexicaine. En 1954 elle épouse Federico Álvarez Arreguí, écrivain et lui aussi fils d’exilés républicains. Deux enfants, Federico David et Teresa, naîtront de leur union. En 1959 le couple prend part à la fondation du « Mouvement Espagnol/59 » qui se donne comme objectif de fédérer les activités culturelles des fils et filles d’exilés.

En 1965, Elena et Federico partent vivre à Cuba. En 1972 ils décident de s’installer en Espagne. Très déçus par la tournure que prend la transition démocratique – et monarchique – en 1982 Elena et Federico décident de retourner vivre au Mexique. Au cours des années suivantes, Elena travaille pour l’Institut national d’anthropologie et d’histoire de Mexico (INAH) au projet d’histoire orale « Réfugiés espagnols au Mexique : Archives de la Parole », réalisant des entretiens avec de nombreux exilés qui se sont installés dans ce pays après la guerre.

En 1991 Elena revient seule vivre en Espagne. Elle participe à l’organisation du rapatriement des archives de Max Aub, à Segorbe. De 1997 à 2012 elle préside aux destinées de la Fondation Max Aub, qui réédite la plus grande partie de l’œuvre de l’écrivain et organise de nombreuses manifestations – colloques, cours d’été, prix international de contes, bourses d’études.

Au nom de toutes les associations et personnes membres de Caminar, nous adressons nos salutations attristées et fraternelles à Teresa, sa fille, qui aujourd’hui préside la Fondation, et à tous ses proches.

Gérard Malgat