“Le langage me paraît être la plus stupéfiante création de l’homme. La poésie, c’est la fête du langage. Une fête où chacun reste dans son coin tourne au désastre. Voilà ce qui me semble arriver chez les muses, depuis qu’il est de rigueur de s’y travestir en sphinx“, déplorait la chère Lucienne Desnoues.
Jean-Luc Pouliquen n’est pas de ce genre, pas du tout, heureusement. Il ne reste pas « dans son coin » puisque pour lui, au contraire, Je est un autre selon Rimbaud et qu’il se reconnaît aussi ici bel et bien lui-même en ses admiratives et sensibles accointances avec nombre de ses pairs en écriture, en poésie : Jacqueline de Romilly pour commencer la liste, puis – cités en partie seulement et dans le désordre – Pascal Pia, Francis Jammes, Apollinaire, ceux de l’École de Rochefort, Pierre Emmanuel, Marie Noël… tandis que bien d’autres créateurs apparaissent encore en proche et même en immédiate escorte – plus qu’en marge – des principaux plus particulièrement choisis, élus par l’auteur.
Ne se reflète-t-on pas dans ceux que nous aimons ? Non, nous en sommes pétris autant qu’à notre tour pétrissons. Aussi, ne serait-ce rien que par le titre de ce dernier récent ouvrage – Dans le miroir des livres -, l’auteur me paraît fort modeste et attentif aux autres, l’étant par nature sans doute, puisque déclarant encore en fin de volume – on ne peut guère à la fois dire mieux et plus discrètement, il me semble : “Ainsi vivent les livres et nous vivons à travers eux.”
Le pré-texte ayant été le choix et l’achat sur une célèbre braderie d’une douzaine de titres, revues y comprises, à partir de quoi Jean-Luc Pouliquen développe pensées et réflexions, aussi bien raconte, évoque des souvenirs, des rencontres majeures, sans oublier de gratifier de surcroît son lecteur d’une sensibilité bien à lui, coulant de source par le biais d’une écriture limpide et prenante, sur mesure, parce que tout naturellement accordée à chacune de ces riches méditations sur la genèse, le rappel, et les enchaînements féconds de ces amitiés littéraires, artistiques, qui sont autant de maillons, en fait, d’une quête avant tout essentiellement spirituelle.
Par bonheur et tranquille sagesse, chez Pouliquen, culture, poésie et vie intérieure, riment entre elles à merveille !