L’ambassadeur et le poète. Un article de Claude-Eugène Anglade à propos de l’ouvrage de Claude Martin “La diplomatie n’est pas un dîner de gala”

L’AMBASSADEUR ET LE POÈTE

Claude Martin, à qui sa longue et brillante carrière dans les Affaires Etrangères a valu la dignité d’ambassadeur de France, a consacré un volume, de plus de 900 pages(1) à évoquer son cursus, à raconter les événements et les personnalités qui ont marqué sa longue route ; sous le titre a priori un peu surprenant : « LA DIPLOMATIE N’EST PAS UN DÎNER DE GALA » ; que l’on comprend mieux quand on sait qu’il s’agit d’une reprise de la pensée de Mao Ze Dond, où c’est la révolution qui est le sujet de cet aphorisme. Remarquablement écrit, le véritable héros de ce roman vécu est la Chine, même si l’auteur a eu aussi d’importantes responsabilités dans les Affaires Européennes et, in fine, comme ambassadeur à BERLIN. Il est attiré par ce pays, dès son adolescence, après avoir lu, dans les archives familiales, les lettres d’un grand oncle missionnaire, très curieux de l’Empire du Milieu et de ses philosophes. Aussi, bachelier, Claude Martin s’inscrit à « Sciences Po » mais aussi aux « Langues O » et y acquiert une solide connaissance du chinois. Reçu brillamment à l’ENA, il doit, selon l’usage effectuer immédiatement son service militaire. Mais après une semaine à peine « sous les armes », il est convoqué au « Quai d’Orsay ». Nous sommes en 1964 ; le général De Gaulle après une mission exploratrice d’Edgar Faure a reconnu la Chine et y a nommé l’ancien ministre de l’Education Nationale, Lucien Paye, comme ambassadeur. Mais ce dernier se plaint de ne pas avoir de collaborateurs parlant chinois. Un fonctionnaire du « Quai » explique : « plus personne ou presque ne parle chinois au « Quai » ; quinze ans sans ambassadeur sur le terrain, des consulats fermés les uns après les autres, pas de relations, pas de contacts, nous cherchons des sinologues ». Et, en conséquence, Claude Martin est nommé « pour la durée de son service militaire » à l’Ambassade de France en Chine ; né en 1944, il a tout juste 20 ans, quand, le 13 février 1965, il part à PÉKIN. L’ambassade est à quinze kilomètres du centre, dans le nouveau quartier diplomatique « au-delà des murailles ». Mais chargé d’observer la vie culturelle, le jeune stagiaire se mêle à la vie quotidienne des Pékinois, et les jours passent vite pour lui. Il n’en va pas de même pour Lucien PAYE pour qui le mois d’Avril 1965 allait clore sa première année d’ambassade ; or les résultats étaient minces ; la reconnaissance de la Chine par le général De Gaulle n’avait entraîné aucun vrai rapprochement, n’avait amorcé aucun dialogue stratégique. Lucien Paye avait bien tenté d’établir des rapports plus chaleureux, mais « il s’était heurté à un mur de glace » ; les Autorités Chinoises étaient plus préoccupées par le tiers monde (concurrence avec l’URSS), et peut être déçues de voir que la reconnaissance de la France n’avait pas fait école. Aussi pour relancer les relations Lucien Paye songe à la visite d’une personnalité de haut niveau. Il échange avec le Quai d’Orsay, l’Elysée, une « correspondance mystérieuse » et, fin Juin 1965, il annonça à ses collaborateurs la nouvelle : « André Malraux était en route pour Pékin». Dépressif, fatigué, profondément touché par la mort accidentelle de ses deux fils (1961), Malraux s’était mis « en congé de la République » et avait entamé un voyage en Asie. Arrivé en bateau à Singapour, le bâtiment ayant été éventré par un pétrolier, il continue en avion sur Hong Kong, puis Canton, puis Pékin. Lucien Paye, qui avait été son collègue au gouvernement l’admirait : « l’homme aussi, peut être plus fascinant encore que l’écrivain » avait-il dit à Claude Martin. L’ambassadeur souligne, devant son équipe, l’importance et la signification de cette visite ; et il ajoute : « mais il est aussi et surtout l’auteur de deux très grands livres sur la Chine». Commentaire du conseiller culturel « des livres pleins d’erreurs, malheureusement ; et ce n’est pas étonnant, puisque Malraux n’est jamais venu en Chine… D’ailleurs je ne suis pas sûr que sa venue plaise tellement aux Chinois ; chaque fois que j’ai eu l’occasion d’évoquer avec eux le nom de Malraux, ils m’ont paru embarrassés » Et c’est vrai qu’à l’époque, le romancier avait brièvement séjourné à Hong Kong » où il avait glané les informations qui lui avaient servi à écrire « les Conquérants » et la « Condition Humaine ». Mais c’est l’ambassadeur qui eut le bon et dernier mot : « Malraux a sans doute pris des libertés avec l’histoire… Mais la façon dont il a réussi à recréer les moments qu’il n’a pas connus montre bien son talent d’écrivain. » Ceci dit, Lucien Paye n’en est pas moins soucieux, pour lui Malraux doit apparaître comme l’émissaire du gouvernement Français, chargé de relancer le dialogue entre les deux états, et c’est tout. « Mais ce ne fût pas simple… A Canton, dans le musée, devant les photos des responsables de l’insurrection (racontée dans les Conquérants) il se déclara ému de voir les copains… On lui fît comprendre qu’il fallait changer d’attitude ; et les diplomates commencèrent des démarches lentes et laborieuses. « Le Protocole Chinois demanda pour quelle raison le Ministre de la culture, que de surcroît on savait en congé, souhaitait rencontrer de « Hauts Dirigeants » ; nous étions en été, âgé, Mao ne recevait guère durant les chaleurs. » On comprit alors à l’ambassade que Malraux ne serait reçu que s’il était porteur d’une lettre du Général De Gaulle ; sollicité ce dernier répondit très vite favorablement. « André Malraux s’installa à la résidence de l’ambassadeur et attendit ». Un matin, il apprend qu’il va être reçu par le Ministre des Affaires Etrangères, mais ce ne fût « qu’un échange de paroles convenues » et « de retour à l’ambassade Malraux laissa éclater sa colère et sa déception, il n’a rencontré qu’une potiche… Il ne quitterait Pékin dit-il, qu’après avoir rencontré Zhou En Laï et Mao. En attendant, il arpentait les salons en fumant une quantité impressionnante de cigarettes. » On lui proposa quelques promenades et on se relaya pour l’accompagner. Quand ce fût son tour, Claude Martin, fervent Gaulliste et admirateur de Malraux, l’amena au Temple du Ciel, le site le plus beau, sans doute du Pékin des Ming ; mais les commentaires de son jeune cicérone « le laisseront indifférent » et sur le chemin du retour « le paysage qui défilait sous ses yeux l’intéressait visiblement peu : la ville ne ressemblait pas à celle qu’il s’était inventée. » Les jours passent ; Malraux est reçu par Zhou En Laï ; encore une semaine et il peut enfin rencontrer le dirigeant suprême Mao. Malraux esquissa un parallèle entre le combat du Général De Gaulle et la longue marche. Mao remarqua que la révolution Chinoise n’était pas achevée : « s’assurer de la fidélité de la jeunesse était le grand défi ; il n’en dit pas plus » (nous étions à la veille de la « Révolution Culturelle. »). Claude Martin apporte quelques précisions techniques à cet entretien. Le « Quai d’Orsay » avait procuré à André Malraux, le meilleur des interprètes, dit « Yako ». Ce dernier avoua que MALRAUX était difficile à traduire. « Mao l’était tout autant, les deux interprètes n’avaient cessé de se jeter des regards angoissés. Yako avait, assez vite, décidé de résumer les propos du Ministre, de simplifier ses phrases longues et compliquées. L’interprète Chinois souffrait tout autant, mais ne pouvait se permettre les mêmes libertés. Suspendue aux lèvres de Mao, dont le dialecte hunanais était devenu particulièrement pâteux, avec l’âge, elle avait réussi, non sans peine, à donner du sens à des remarques parfois très énigmatiques. » « Malraux avait indiqué qu’il ferait lui-même le récit et le commentaire de cette visite en conseil des Ministres… Mais Lucien Paye a voulu établir son propre procès-verbal à partir des notes de l’interprète. » Et Claude Martin de commenter : « Je relevais avec intérêt cette règle… selon laquelle les agents diplomatiques présents à un entretien officiel doivent en établir un verbatim rigoureux, versé aux archives, susceptible de devenir pour les historiens, face à toutes les affabulations un document incontestable. » Est-ce, a posteriori, une allusion, au récit, dans les Antimémoires, publiées en 1975, de ces rencontres ? Car il faut effectivement constater qu’il y a un décalage certain entre le texte de Claude Martin et celui de Malraux. En réalité l’expédition de MALRAUX fut un échec ; et elle a été entièrement improvisée; Lucien Paye avait souhaité la venue d’un personnage important pour relancer le dialogue franco-chinois. Mais manifestement ni l’Elysée, ni le Quai d’Orsay n’y ont songé. N’oublions pas que nous sommes dans le deuxième semestre de 1965, celui de la prochaine élection présidentielle… Quand le vœu de l’ambassadeur est connu « en haut lieu » on s’avise qu’André Malraux, provisoirement en congé pour soigner une dépression, est parti vers l’Asie ; il est très proche du général et pour Paris, c’est l’homme idoine. Sauf qu’à Pékin les autorités chinoises ont un tout autre point de vue. Les Conquérants et la Condition Humaine sont de magnifiques romans mais l’artiste l’a emporté sur l’historien qu’il n’est pas ; il a créé des personnages imaginaires, même si Kyo, dans « la Condition Humaine » a pu faire penser à Zhou En Laï, que Malraux n’a pas connu alors. Or, autour de Mao, on est très pointilleux sur les faits et on se méfie de cet être un peu exalté ; un ministre de la culture en congé ? On eût préféré sans doute un responsable du Commerce Extérieur. Alors on le fait patienter ; graduant l’importance des personnalités rencontrées : le ministre des Affaires Etrangères d’abord ; « une potiche » ; puis Zhou En Laï ; mais pour Mao, il faut une lettre du général De Gaulle, ce qui n’avait pas été prévu au départ… Et le dialogue avec le Grand Timonier n’aborde aucun des problèmes de fond de la relation franco-chinoise ; il n’esquisse aucune stratégie concrète et les échanges politiques et économiques entre les deux Etats ne se développèrent guère par la suite… Seul fait marquant, l’annonce, vraiment très énigmatique, de la Révolution Culturelle. Mais est-ce vraiment un ministre de la République, un négociateur expérimenté, dûment documenté, qui aborde la Chine en juin 1965 ? Relisons les premières pages des Antimémoires : « aller en Asie, naguère, c’était pénétrer avec lenteur dans l’espace et le temps conjugués… Je reprends, par ordre des médecins, cette lente pénétration et regarde le bouleversement qui a empli ma vie sanglante et vaine, comme il a bouleversé l’ASIE… Je retrouve devant la mer la première phrase de mon premier roman et, sur le bateau, le cadre aux dépêches où on afficha, il y a quarante ans, celle qui annonçait le retour de l’ASIE dans l’histoire : la grève générale est proclamée à Canton. » En fait Malraux est parti à la recherche de sa jeunesse et des héros de ses premiers romans. « ici, je n’attends de retrouver que l’art et la mort. » Dès Singapour, où il débarque, surgit la figure du baron de Clappique, pittoresque personnage de la Condition Humaine : il l’imagine en train de faire un film… sur un héros de la « VOIE ROYALE » ; nous sommes dans les années 30 ! Mais « aujourd’hui, il n’y a plus d’aventuriers » ; un peu plus tard, à cet hôtel « le Raffles » où il est descendu jadis, Mery vient le retrouver et Clappique s’efface. Mery, inspiré par le « seul brillant fonctionnaire français qui parlât bien l’annamite et le cambodgien » ; il est resté sur place et dit à Malraux : « Voyez-vous, j’étudie un peu l’époque où vous avez espéré lier l’Indochine à la France… » Et s’installe un dialogue où est retracée l’histoire de l’Indochine jusqu’au Vietnam ; le passé revient toujours à l’esprit : « Est-il vrai que Paul Monin est mort à Saïgon ? Paul Monin, fondateur avec moi du jeune Annam, et le premier avocat de Cochinchine, avait donné sa démission, parce que, de son temps, l’hermine se portait blanche… » Un peu plus tard, Malraux rappelle un de ses propos, lors d’un meeting vers 1930 : « Les indépendances Asiatiques naîtront de la prochaine guerre Européenne. » L’avant guerre encore… Mi-juillet 1965, Malraux est à Hong Kong ; il se rappelle « qu’un jour de 1925 ou 1926, il est venu acheter des caractères d’imprimerie pour le journal « l’Indochine », organe de jeune Annam. Et de noter que « pour les millions d’hommes agglomérés sur le rocher de Hong Kong, l’immensité qui s’étend derrière la barre noire de l’horizon… c’est le Pays de la longue Marche et de son chef », qui se termine par la victoire des communistes, » phalange déguenillée suivie de ses derniers clochards » ; sur Tchang Kaï Chek. A l’escale de Canton, comme un leitmotiv revient la première phrase des Conquérants. Nous sommes toujours dans le souvenir, voire la nostalgie ; mais aussi, et c’est une dimension, nous semble-t-il, sous-estimée des Antimémoires, dans un lyrisme poétique : « Shameen, l’ancienne île des consulats, est intacte, comme le corps d’un tué. Ses maisons qui ne ressemblent plus à celles de la ville s’écaillent au-dessus du petit square aux fleurs serrées ; des jonques sans moteur, aux voiles rapiécées de rose et de gris fumée doublent la pointe de l’île, chimères en habit d’arlequin ; dans le soir qui tombe, la flotte de Marco Polo appareille sur le rivière des Perles, devant les anciens docks et les chantiers neufs, à travers la désolation sibérienne !! » Deux jours après, c’est Pékin et nous sommes tout de suite dans les Antimémoires !… – au ministère des affaires étrangères, où il s’entretient avec le Maréchal-Ministre Chen-Yi. Et ce qui ne fut « qu’un échange de phrases convenues »,de surcroît avec une « potiche » (Claude Martin), prend neuf pages dans la Pléiade. A la sortie, avec Lucien Paye, l’artiste réapparait : « J’ai vu finir la vieille Chine et les ombres des renards filer à travers les asters violets des remparts, au-dessus de la procession des chameaux de Gobi, couverts de gelée blanche .Je me souviens des vessies de porc éclairées par des chandelles ornées de caractères chinois…J’ai vu les vieilles princesses des neiges, comme des reines d’Afrique, déjà marquées par des chevauchées de la mort.. !! » Avec Chou En Laï c’est le partage du monde entre américains et soviétiques qui est le thème des échanges, le Premier Ministre Chinois soulignant la position non alignée de son Pays. Malraux retrouve le passé pour caractériser l’être profond de la Chine ; il évoque la conférence de Sun-Yat-Sen, un an avant sa mort (1924) : « si nous parlions de la liberté à l’homme de la rue…il ne nous comprendrait certainement pas. La raison pour laquelle les Chinois n’attachent en réalité aucune espèce d’importance à la liberté, c’est que le mot même qui la désigne est d’importation en Chine » Et Malraux souligne combien cette pensée est toujours valable : » La révolution a libéré la femme de son mari ; le fils de son père ; le fermier de son seigneur. Mais au bénéfice d’une collectivité. L’individualisme à l’occidentale n’a pas de racines dans les masses chinoises. L’espoir de transformation, par contre, est un sentiment très puissant, un mari doit cesser de battre sa femme pour devenir un autre homme qui sera membre du parti ou simplement de sa commune populaire… » Les contingences du moment (échanges économiques, culturels franco-chinois) ne sont pas abordées, mais l’essence de la CHINE est définie pour longtemps. Enfin c’est la réception par MAO ; en attendant ce moment, MALRAUX est allé à Yenan, patrie de Mao, où a commencé la Longue Marche. Dans les Antémémoires, Mao lui demande quelle impression il en a retiré. « Très forte. C’est un musée de l’invisible » Explication : « on attend des photos de la longue Marche…Pourtant l’expédition passe en second plan. Au premier ce sont les piques, les canons faits avec des troncs d’arbre et du fil télégraphique : le musée de la misère révolutionnaire ».Mao évoque des souvenirs ; les communistes ayant été écrasés par Tchang Kai Chek, il revient à Yenan, et constate qu’à trois kilomètres « il ne restait pas une écorce sur certains arbres jusqu’à 4 mètres de haut : les affamés les avaient mangés .Avec des hommes obligés de manger des écorces , nous pouvions faire de meilleurs combattants qu’avec les chauffeurs de Chang-Haï ou même les coolies ».Et la conversation souligne la différence entre l’attitude chinoise, s’appuya sur les paysans et celle de l’URSS, qui se veut ouvrière. Mao reste fidèle à cette option ; comme l’a souligné Claude Martin, il annonce, « énigmatiquement » la Révolution Culturelle où beaucoup d’intellectuels seront broyés. En sortant, toujours avec Lucien Paye, c’est un moment d’exaltation : « lorsque la voiture repasse par la grand-place de la Paix Céleste, la nuit est tombée. Une dernière lueur découpe la cité interdite en face du Palais du Peuple dont la masse informe se perd dans l’ombre. Je pense à l’inquiétude de MAO, à la tristesse de Charlemagne devant les normands ; et derrière lui à l’immense peuple de la misère, à l’affût de la première faiblesse des Blancs. » La mission, en grande partie opportuniste et improvisée de Malraux auprès des autorités chinoises en 1965 n’a eu aucune efficacité sur les enjeux attendus par Lucien Paye ; de surcroît allait bientôt éclater la Révolution Culturelle qui rebattra complètement les cartes. D’ailleurs, malgré le geste visionnaire du général De Gaulle, Claude Martin nous montre, sur 900 pages, combien notre influence politique et notre pénétration économique furent progressivement dépassées, de beaucoup, par les Etats-Unis ( et pourtant Nixon reconnait la Chine dix ans après la France) et même par l’Allemagne. Mais l’intérêt de la confrontation entre le compte-rendu exact et précis de Claude Martin et les Antimémoires est essentiellement littéraire : est mis en évidence le processus de création artistique. Malraux part de France – hors toute mission diplomatique précise- physiquement et moralement très affaibli. Dans son introduction au volume III des œuvres complètes de la Pléiade, Marius François Guyard note qu’en 1965 « le ministre…semble avoir tué l’écrivain ; il n’a produit aucun grand livre depuis 1958…Mais le voyage va voir naître un dessein nouveau et après l’étape du Caire, Malraux commence à écrire ce qui deviendra Les Antimémoires ».Au fur et à mesure que l’écrivain revient sur les traces et les personnages de son passé, renaît son inspiration, se reconstitue sa vision d’une Asie qu’il a, à la fois, connue et rêvée jadis. Son intuition, sa connaissance approfondie de l’histoire récente de l’Empire du Milieu, son empathie avec ses interlocuteurs, à qui il fait dire leur vérité dans sa très belle langue, lui permettent de brosser la fresque épique d’une période cruciale. Le romancier réapparait, non pour créer un univers imaginaire, mais à partir d’une réalité complexe, de la connaissance approfondie de la situation internationale que lui donne sa fréquentation du Conseil des Ministres, il brosse, avec la puissance de son style, que traverse périodiquement un grand souffle poétique, un tableau lumineux du passé qui éclaire le présent. Ce n’est pas, en effet, un chargé d’une mission diplomatique que l’ambassadeur Lucien Paye reçoit en juillet 1965 à Pékin, mais un grand Poète épique, en pleine exaltation créatrice, qui va dans les Chants successifs des Antimémoires, nous faire entendre, encore aujourd’hui, le bruit d’un monde disparu. Claude Eugène Anglade – Membre des A.I.A.M.  La diplomatie n’est pas un dîner de Gala, par Claude Martin, ambassadeur de France – Edition de l’Aube. Mars 2018. 943 pages. Prix Saint Simon 2018 (après Julia Kristeva en 2017 et Jean d’Ormesson en 2016…) Note : Sinologue éminent, Claude Martin utilise l’orthographe contemporaine des noms Chinois : MAO ZEDOND, ZHOU EN LAÏ. Tandis que Malraux, dans les Antimémoires écrit : MAO TSE TOUNG et CHOUEN LAÏ. Nous avons respecté les deux orthographes. L’épisode de la visite de Malraux à Pékin s’étale de la page 94 à la page 98 dans l’ouvrage de Claude MARTIN. Dans les Antimémoires, l’essentiel se trouve de la page 280 à 426, dans le tome III des œuvres complètes d’André Malraux dans la Pléiade. Les phrases entre guillemets sont des citations de Claude Martin et de Malraux, qu’on peut retrouver facilement, mais que nous n’avons pas référencées.