A la recherche de la sensibilité essentielle de l’être humain : Malraux devant le miracle de la peinture de Saint-Soleil par Yulia Kovatcheva

A la recherche de la sensibilité essentielle de l’être humain : Malraux devant le miracle de la peinture de Saint-Soleil

Yulia Kovatcheva, PhD
Adjunct Professor of French
Department of French, Francophone and Italian Studies
College of Charleston
JC Long Building, Room 410

Article publié dans la revue  : André Malraux Review, Volume 39, 2012 : 58-75.

 

« Car l’homme ne devient homme que dans la poursuite de sa part la plus haute »1

André Malraux

 

« Le primitif, c’est nous »2

Jean Paulhan


Dans le dernier volume de La Métamorphose des dieux, L’Intemporel, comme dans la dernière partie des Voix du silence, La Monnaie de l’absolu, Malraux fait entrer dans son Musée Imaginaire les fétiches, les arts « sauvages », les naïfs, l’art des fous, les œuvres des enfants ; il y accueille aussi l’art haïtien. D’après Michaël de Saint-Cheron, « les dernières pages [de La Monnaie de l’absolu] sont un hymne jubilatoire » à « la plus vieille noblesse et la première culture artistique universelle »3. Malraux dira quant à lui que son œuvre est un éloge à « la force et à la grandeur d’être homme ». En effet, il y révèle la valeur suprême de l’homme qu’il la nomme « la part divine de l’homme ».

Du 20 décembre au 4 janvier 1976, peu avant sa mort, Malraux effectue son dernier séjour en Haïti à l’occasion duquel il dé- couvre la peinture de la communauté de Saint-Soleil et rencontre les peintres instigateurs d’une peinture habitée par le vaudou qui avait déjà enchanté André Breton en 1944. Malraux, à l’instar de Breton, est considéré comme un des découvreurs des œuvres haï- tiennes. Cette découverte de l’unique art plastique de Saint-Soleil est la dernière étape de l’attachement de Malraux à l’art primitif. En 2009, Jean-Marie Drot a conçu au Musée Montparnasse à Paris une exposition intitulée « Le dernier voyage de Malraux en Haïti ou la découverte de l’art vaudou ».

Profondément bouleversé par son expérience saisissante en Haïti, Malraux relie dans L’Intemporel la volonté de création et sa définition de l’artiste au Surnaturel. Selon Malraux, chaque individu pour qui l’art est nécessaire est un artiste. Ici, il ne s’agit pas du Surnaturel cosmique, mais de celui de la profondeur de l’âme. Malraux rajoute le chapitre onze dans L’Intemporel après son  voyage en Haïti et sa rencontre avec « un peuple des peintres » de  la communauté de Saint-Soleil. Ce voyage « fut la chance de la dernière année de sa vie »4. Malraux écrit dans ce chapitre de L’Intemporel : « Par ironie, le crépuscule de l’une des périodes majeures de la peinture européenne suscite, à l’extrémité des Caraïbes, le premier peuple de peintres – dans la seule race qui ait toujours dédaigné la peinture »5. Frappé par les tableaux de couleur intense des peintres de Saint-Soleil, il s’interroge : « comment ont-ils commencé à peindre ? » Malraux est devant une nouvelle forme de création dont la pureté de la source est bouleversante. Les peintres de Saint-Soleil éprouvent la nécessité de l’art et leur volonté d’expression les rapproche de l’art des enfants et de celui des malades mentaux. Leurs peintures, nées d’une expression spontanée, sont « une offrande » destinée à « l’invisible ».

Comme le note fort bien Henri Godard dans son introduction au dernier volume des Œuvres complètes de La Pléiade, parmi les dernières figures qu’il a l’occasion d’admirer, Malraux est  frappé par une série de provenance du Dahomey. Selon Henri Go- dard, il est donc prêt à reconnaître dans ces figures vaudou l’énigmatique unité qui cimente l’œuvre, même au bord du hasard qu’il évoque dans la préface aux Chefs-d’œuvre de l’art primitif6 :

C’est que ces figures représentent un cas limite. Elles sont faites d’un assemblage qu’on pourrait croire de bric et de broc, de matériaux hétérogènes, qui plus souvent sont fragiles. Mais elles captivent quand on les regarde par l’intensité du sentiment de surnaturel qui en émane : non plus un surnaturel des forces cosmiques, imposant une vénération, mais celui des forces ayant leur source au plus profond de l’âme humaine, inspirant plutôt une terreur sa- crée.7

Comme le mentionne le titre, le sujet, bien que lié à la peinture miraculeuse de Saint-Soleil, n’est pas limité à cette décou- verte de Malraux en 1976. La recherche de la sensibilité essentielle de l’être humain pourrait bien constituer la matière d’un livre entier. J’entends explorer ici l’expérience de Malraux lors de sa rencontre avec cette « peinture magique du XXe siècle » pratiquée par  la communauté de Saint-Soleil en Haïti et proposer une analyse de la relation binaire entre l’art des peintres de la communauté de Saint-Soleil et l’art des peintres « naïfs » haïtiens, qui est l’expression d’une volonté de retour aux racines profondes de la culture haïtienne, en réaction aux dérives de la peinture naïve touristique qui envahit l’île. Cette analyse devrait permettre d’éclaircir l’énigme de la recherche de la sensibilité essentielle de l’être hu- main, une obsession de Malraux dans toute son œuvre, notamment dans Les Noyers de l’Altenbourg, Lazare et ses essais philosophiques.

L’art de Saint-Soleil

Sous le nom de « primitivisme », on entend généralement la libération de la couleur, la célébration par certains artistes des différentes avant-gardes du XXe siècle de valeurs et de formes considérées comme originelles, exotiques et régénératives, le démantèlement de la perspective classique et, plus généralement, l’abandon des canons de l’art occidental. L’importance de cette sorte de volonté de création se trouve dans l’intégration des formes jusque-là ignorées par la culture rationnelle occidentale : dessins d’enfants, art populaire, art africain ou océanien. Les artistes tentent ainsi de traduire et de rendre accessibles à tous leurs émotions.

 

La clef pour une meilleure compréhension de cette rencontre saisissante avec l’art est le parallèle que Malraux établit dans le chapitre onze de L’Intemporel, entre d’un côté l’art de Saint-Soleil et l’art naïf8, et, de l’autre, entre les peintres naïfs et les peintres de Saint-Soleil. Ce parallélisme est l’aboutissement d’une recherche du Surnaturel qui a préoccupé Malraux toute sa vie, un Surnaturel qui puise ses forces dans la source la plus profonde de l’âme humaine. Si Malraux éprouve un grand étonnement devant la peinture mira- culeuse de Saint-Soleil, c’est que le miracle de la sensibilité essentielle de l’être humain se révèle devant ses yeux.

Imitation/Non-Imitation

La comparaison, caractéristique de la pensée de Malraux sur l’art, est stimulée par la présence des deux peintures diamétralement opposées : l’art naïf d’Haïti et l’art de Saint-Soleil. Cette opposition évoque en lui une réflexion intense sur l’homme et la création artistique, qui est restée une énigme pour lui. Les différences sont nombreuses entre les peintres de la communauté de Saint-Soleil, située à mille mètres d’altitude, à Soissons-la- Montagne, et la communauté des peintres naïfs. Une distinction majeure entre le peintre naïf et le peintre de Saint-Soleil est la fidélité du premier à la réalité, à l’apparence. Malraux décrit celui-ci comme étant « appliqué ». Par contraste, le peintre de Saint-Soleil transfigure la réalité et son œuvre s’apparente à l’art primitif, à l’art brut. Il est « visité » : « Sous les fausses apparences d’art naïf, le peintre naïf est appliqué, celui de Saint-Soleil est visité […]. La peinture naïve, est née en face d’une autre, tandis que la peinture  de Saint-Soleil est la seule qui ne trouve rien en face d’elle »9.

L’étonnement de Malraux devant la peinture de Saint- Soleil, qui « ne trouve rien en face d’elle », dirige sa réflexion vers la peinture naïve européenne. Mais Malraux voit dans cette dernière encore un exemple d’une peinture d’imitation :

Toute peinture naïve est née en face d’une autre. Ni nos peintres du marché aux puces, ni le Douanier Rousseau, ne sont les seuls peintres français ; les peintres spontanés haï- tiens ont été la seule peinture nègre, la seule peinture haï- tienne qui compte, et ne trouve rien en face d’elle.10

Non-académisme. Différences fondamentales de sujet.

Malraux remarque que l’art naïf européen, l’art naïf d’Haïti et l’art de Saint-Soleil ne sont ni les uns ni les autres académiques :

Le cas du Douanier semble aussi exceptionnel que son génie […] Nos peintres naïfs, à l’exception des malades mentaux, ne sont pas des hommes particulièrement naïfs, mais souvent avisés. Il fallait être un peu fou, au XIXe siècle, pour se croire peintre quand on ignorait le dessin d’école […]. Etait tenu pour naïf, un dessinateur, maladroit selon les Officiels, qui croyait dessiner comme eux ou comme Léo- nard.11

Malraux est étonné devant le phénomène unique d’une peinture contagieuse, « une intoxication ». A la différence des peintres naïfs occidentaux, ceux d’Haïti ne connaissent ni les musées, ni la télévision :

Ceux d’Haïti ne sont en marge d’aucune peinture académique, n’ont jamais vu un tableau pompier […]. Nos naïfs occidentaux connaissent au moins l’existence des musées […]. Le musée de Port de Prince n’expose que l’art naïf   […] ; la plupart des peintres ont d’abord vu peindre un copain : ‘‘Pourquoi pas moi ?”12

Il y a vaudou et vaudou

Henri Godard définit la réaction de Malraux, lorsque celui- ci découvre la peinture de la communauté de Saint-Soleil, comme un sentiment de soulagement. Sa conception de l’art, mise en question dans les dernières pages de L’Intemporel, est justifiée sinon sauvée par la peinture des peintres de Saint-Soleil. Une peinture  et « quelle peinture ! » s’exclame Malraux devant Jean-Marie Drot. Selon Henri Godard, Malraux découvre en Haïti un autre vaudou dont la forme n’est plus la sculpture africaine, mais une peinture d’une couleur intense. D’après Henri Godard,

 

[i]l n’y a pas à s’étonner qu’à son retour Malraux ait si impérieusement interrompu la fabrication de L’Intemporel, qui était presque achevée, pour y inclure, au terme de chapitres dans lesquels sa conception de l’art était mise, sinon en échec, du moins en question, les pages qu’il venait in extremis de consacrer à une peinture qui en était au contraire l’illustration.13

 

En 1973, un groupe de cinq paysans qui ne savaient ni lire, ni écrire, ni parler le français se groupèrent en communauté à 50 kilomètres environ de Port-au-Prince, dans un village appelé Sois- sons-la-Montagne et se mirent à peindre. À l’instigation de Jean- Claude Garoute, dit Tiga et de sa compagne Maud Robart, Prosper Pierre Louis, Levoy Exil, Louisiane Saint- Fleurant, Dieuseul Paul, Denis Smith devinrent  les  peintres  de  Saint-Soleil.  Maryse  Condé explique :

 

Tiga était un personnage assez étrange, poète, philosophe, peintre aussi. Son intention était double : laisser les paysans exprimer leur vie intérieure et à travers eux, lutter contre la commercialisation de la peinture haïtienne, en particulier celle du centre d’art de Peter de Witt […]. Le terme « Saint- Soleil », plus tard transformé en « Cinq Soleils » demeure une métaphore mystérieuse.14

 

Qu’est-ce   que   le   vaudou ?   Qu’est-ce   que  Saint-Soleil ?

Comme le note Maryse Condé15, le vaudou était la religion que pratiquaient la majorité des artistes qui fréquentaient le Centre d’Art, même s’ils n’étaient pas tous les houngans (prêtres). Cela signifie que le vaudou, ses rites, ses symboles constituent la matière même de l’art naïf. Les héros en sont principalement les loas, c’est-à-dire les esprits du panthéon vaudou […].16

 

Pourtant, contrairement à l’opinion de Condé, Malraux ne pense pas que le vaudou soit « la matière même de l’art naïf ». Pour lui, l’art naïf n’obéit pas à la religion, mais à la féérie. L’art naïf d’Haïti est destiné à la vente aux touristes. Le sujet des tableaux des peintres naïfs c’est le paradis terrestre, le mariage, l’émerveillement de tous les naïfs du monde, auxquels ils ajoutent leur quotidien émerveillé. Malraux précise, leur seul domaine commun : la li- berté17. C’est une peinture contre l’asservissement  par l’académisme qui n’asservissait rien, puisqu’on ne le connaissait pas. La naïveté haïtienne ne subit aucune influence de l’art naïf européen. Malraux remarque qu’après la guerre, « pour les touristes américains et canadiens, le souvenir de voyage privilégié d’Haïti devint le tableau naïf, qu’ils ne trouvaient dans aucune autre île des Caraïbes »18. Port-de-Prince compte plus de huit cents peintres  naïfs. Malraux est ébloui par « la couleur dans la chétive Haïti, dans elle seule : même les petites villes, Cap-Haitien, Jacmel, voient la peinture pousser dans leurs jardinets »19.

 

La description pour l’exposition de 2009 des tableaux haïtiens faite par un spécialiste de l’art parle la langue de l’histoire de l’art :

Des procédés plastiques récurrents comme le pointillisme et la pratique des effets d’optique, une palette chromatique aux couleurs saturées, un panthéon syncrétique, des personnages inspirés entourés de chimères puisant leur origine dans la faune marine et la fonction de rendre visible l’expérience du sacré caractérise l’art pictural vaudou haïtien.20

 

Le vaudou des peintres de Saint-Soleil

Par contraste, l’art de Saint-Soleil n’obéit pas à la « féérie », ne représente pas « le paradis terrestre, le mariage […] le quotidien émerveillé ». Il y a quelque chose de mystérieux qui  attire l’attention de Malraux et occupe sa réflexion. C’est que dans ces tableaux, il n’y a rien de la vie quotidienne, rien du répertoire des naïfs : ni paysages, ni natures mortes ; peu d’animaux, et tous fantastiques. Il n’y a pas d’histoire haïtienne, pas de batailles, pas d’anecdotes et les personnages sont parfois multiples, mais le plus souvent ils n’ont qu’une face unique. Malraux est curieux de savoir la source de leur intérêt pour la figure, le visage humain. La connexion de cette peinture qui ne connaît pas la sculpture avec le masque, non seulement africain, mais celui de Picasso, mène sa pensée au visage humain comme signe de l’homme :

Pourquoi peignent-ils tant de figures – comme si chacun voulait découvrir un signe de l’homme ? La moitié de la sculpture nègre, c’était le masque – et la sculpture n’existe pas ici. Y a-t-il, dans les deux cas, interrogation fondamentale, à travers le visage humain ? Peut-être la contagion du masque appartient-elle à un domaine plus profond. Pas seulement en Afrique. Picasso.21

Les peintres de la communauté de Saint-Soleil ne peignent pas leurs tableaux pour le musée. Ils pensent que leurs confrères, les naïfs, dessinent pour vendre leurs tableaux, ce qui ne les intéresse pas. Alors, pourquoi peignent-ils ? Qu’est-ce qui est important pour les peintres de Saint-Soleil ? Malraux rencontre Tiga et sa compagne Maud Robart en 1976, pendant son voyage en Haïti. Dans une conversation avec Malraux, Tiga dit : « Donc, vaudou ? Peut-être. C’est important ». A quoi Malraux répond :

Tout ce qui rend flottant le réel est important. Le vaudou ne me semble pas une religion, mais un surnaturel. Il rend les esprits, les morts, aussi familiers que le miracle pendant le haut Moyen Age. En art, tenir le surnaturel pour un intrus légitime est important, vous avez raison ? »22

Le peintre de Saint-Soleil « subordonne la réalité quotidienne à un surnaturel »23, ne tente pas de figurer une personne spirituelle, mais il peint « le mystère »24.

L’imitation est donc exclue de leur processus de création. Comme Tiga le dit à Malraux, ils n’ont pas vu de cartes postales, ni de journaux ; ils n’avaient même pas d’appareils de télévision.  Un jour, une femme dit à Tiga que sa peinture « n’est pas un tableau : les tableaux, ce sont les toiles blanches que je viens de lui donner. Alors, ta peinture, qu’est-ce que c’est, lui demande-t-il ? – C’est Saint-Soleil »25.

 

Tiga ajoute qu’ils « aiment certains de leurs tableaux. Des tableaux ‘‘visités’’ »26. Pour Malraux, « le vaudou implique la familiarité avec le surnaturel »27 ; « c’est donc par le vaudou que nous approcherions le mieux de leur processus de création. A l’extrême, le peintre peint parce qu’il est chevauché, et peint ce que veut le loa »28.

Malraux voit nettement la différence entre les peintres de la communauté de Saint-Soleil, les naïfs de l’art occidental et les naïfs d’Haïti :

Vers 1972, le musée de Port-au-Prince exposait un ensemble énigmatique de tableaux, aussi éloignés de « l’école naïve » que de l’art occidental, et dont on ne savait que ceci : des paysans, des maçons, presque tous illettrés, n’ayant pas vu d’images, pas même des photos des journaux, formaient, sous la direction de deux Haïtiens cultivés et artistes, une communauté qui trouvait dans la peinture, non destinée à la vente, son principal moyen d’expression […].29

Le 8 mai 1976 Jean-Marie Drot avec son équipe T.V., est revenu à Verrières-le-Buisson pour enregistrer dans le salon bleu de la maison des Vilmorin un dernier entretien avec André Malraux qui depuis trois mois était rentré d’Haïti et souhaitait lui parler de sa rencontre avec les peintres de la communauté de Saint-Soleil de Soisson-la-Montagne, au-dessus de Port-au-Prince. Drot rapporte que « d’une voix inoubliable, sifflante, parfois nasillarde, souvent difficile à comprendre, les mots se bousculant, les idées courant plus vite que les paroles », Malraux lui dit :

[…] dans les îles des Caraïbes, il y a deux sortes de peintures qui n’ont presque aucune relation entre eux […]  D’une part, ce sont les Naïfs : à partir de 1943, et notamment au Centre d’Art créé par l’Américain Dewitt Peters, se développe, dans un pays qui n’a jamais eu de peintres pompiers, un art complètement libre et non académique. Bien ! Mais, moi j’aimerais surtout insister sur un autre versant de la peinture haïtienne qui, lui, est directement lié au vaudou.30

A la question de J.-M. Drot, « André Malraux, selon vous, d’où nous viennent ces œuvres si chargées, au sens magique du mot et que rien n’annonce ni explique ? » Malraux répond : « J’y insiste, l’art de Saint-Soleil n’a rien à voir avec la peinture naïve, mais se rattache au monde des peintres Hector Hyppolite et Saint- Brice, bref à la grande peinture vaudou »31. Il écrit dans L’Intemporel que les peintres de Saint-Soleil et de Saint-Brice ne peignent pas le loa, ils peignent un tableau qu’il inspire, et qui lui est destiné, qu’il y figure ou non32.

Dans L’Intemporel Malraux admet que « Nous avons beau- coup plus à apprendre d’un surnaturel aléatoire, que du surnaturel institué qui nous est devenu familier »33. Claude Tannery remarque que le mot « aléatoire » ne nous est pas encore vraiment familier. Le mot « aléa », lui, nous surprend moins, et nous l’utilisons pour parler d’un événement imprévisible, ou d’un tour imprévisible qu’ont pris les événements. L’aléatoire est le jeu des aléas, c’est-à-dire le jeu des possibles, des probables qui sont devenus des actualités.34

Mais qu’est-ce que Malraux entend par « aléatoire » ? La recherche de l’englobant mobilisa une grande partie des réflexions de Malraux pendant les dernières années de sa vie. Il cherchait un englobant où passent la causalité, la raison, le temps, le dessein […]. L’englobant des dieux et de la mort, le temps non-chronologique, l’éternité des religions. Il est plus vaste que le sacré. Peut-être l’approchons-nous en y rassemblant tout ce sur quoi l’homme est sans prise, l’insaisissable que les religions habitent mais qu’elles n’emplissent pas […].35

Claude Tannery écrit que « Malraux, à la fin de sa vie, a trouvé l’englobant qu’il avait tant cherché : dans le dernier chapitre de L’Homme précaire, “L’aléatoire”, il a pu le trouver parce qu’il avait pleinement accepté que la Métamorphose soit la Loi du Monde, et parce qu’il avait découvert le statut royal qu’Elle  donne  à l’aléatoire »36. Malraux prévient qu’on ne peut comprendre l’aléatoire si on le confond avec un scepticisme, parce que cette in- certitude englobante règne au paradoxal sommet de certitudes limitées37. Il a  trouvé  l’englobant,  « l’aléatoire  ou  une  incertitude »38 qu’il cherchait.

La question qui le préoccupe est l’origine de cette peinture. Sa réflexion, riche en rapprochements, mène vers l’essentiel. Il rejette la parenté avec les naïfs car leur peinture parle une autre langue. Il regarde les couleurs ; ils n’utilisent pas d’huile, mais leurs tableaux sont « manifestement aléatoires ». Malraux s’interroge :

D’abord, qu’était cette peinture, déconcertante même dans ce pays où chacun peint comme il lui plaît ?[…] Pas question de naïfs. Malades mentaux ? Il manquait les crocs, l’enchevêtrement, le matériel qui fait de leur peinture une peinture enchaînée. Enfants ? Ils ne peignaient guère à l’huile. Les tableaux des peintres de Saint-Soleil, comme ceux d’Hyppolite et de Saint-Brice, sont manifestement inspirés par le vaudou. Saint-Brice, lui, il est le descendant direct d’Hector Hyppolite. […] Les peintures de Saint-Soleil parlent même une langue inconnue. […] Chaque tableau était manifestement aléatoire, pas leur ensemble, et ne rac- crochait personne. Pas de tachisme. Un chromatisme intense.39

Dans les tableaux des peintres de Saint-Soleil, Malraux  voit « le surnaturel aléatoire ». Ce qui l’étonne est que même quand ils peignent en communauté, chaque tableau se détache de l’ensemble, comme un « aléa ». Dans cette peinture qui « parle une langue in- connue », Malraux reconnaît la langue de l’aléatoire. Peut-être voyait-il dans l’intensité de la couleur et de la langue unique de cette peinture l’expression de « ce sur quoi  l’homme  est  sans  prise ».

Dans L’Intemporel Malraux écrit que Tiga et Maud Robart avaient juste fourni à leurs adeptes, (qu’ils ne considèrent pas comme leurs élèves) des couleurs fondamentales. Le fait que Tiga ne leur donne pas de conseils révèle la spontanéité et l’originalité  de leur création.

Intrigué par sa rencontre avec le mystère de la création de  la communauté de Saint-Soleil et pour comprendre cette aventure, Malraux écrit : « écartons le musée, qui ne lui ressemble pas »40. C’est justement ce que Maud Robart, se souvenant de la visite de Malraux chez elle en 1976, dit à J.- M. Drot. Quand Malraux pénétra dans sa maison, il lui demanda de lui expliquer exactement ce qu’est Saint-Soleil. Elle se souvient lui avoir répondu : « Ici vous êtes chez nous, ce n’est pas une galerie » ; après quoi, Malraux s’est « tranquillement […] promené dans la maison et, pendant plus de deux heures, il a regardé les peintures des artistes de Saint-Soleil. Parfois il s’arrêtait, il citait le nom d’un grand peintre »41. Il disait que Picasso, Dubuffet aimeraient voir ça, ou encore que ces dessins lui faisait penser à ceux que Matisse exécutait d’affilée.

Au cours de son voyage, Malraux fut témoin d’un des plus bizarres spectacles de sa vie que Tiga n’avait pas préparé, une cérémonie de tableaux, une « offrande » :

A cinquante kilomètres de Port-au-Prince […] un cimetière barbare […] quelques kilomètres encore, un autre cimetière […]. Des tableaux perpendiculaires comme à Mougins chez Picasso […]. Certaines figures sont dignes de nos coloristes les plus lyriques, quelques-unes, du dernier Chagall.42

A la différence des naïfs qui vendent cher leur tableaux, Tiga dira plus tard à Malraux que « toute leur peinture est offrande […] à l’invisible […]. Et Saint-Soleil n’est pas un endroit profane »43.

 

Malraux en vient à la question la plus intrigante :

« Comment ont-ils commencé à peindre ? » Tiga répond que c’est par imitation, « en voyant peindre un copain ». Il lui explique : tout a commencé avec la construction de la maison […] Un jour, ils regardaient une de mes toiles, l’un d’eux a crié :

« C’est Saint-Soleil ! » […] Depuis, ils appellent ainsi la communauté. Et cette maison, qui en est un peu un temple, si on peut dire […]. Il y en a qui peignent des figures sur un mur de leur cabane. Comme ils ont peint le cimetière.44

Seule la volonté d’expression est importante pour le peintre de Saint-Soleil. Signer sa peinture ne l’intéresse pas ; il préfère un anonymat similaire à celui d’un artiste du Moyen Age. Les   images « jaillissent d’une source » d’une profondeur illimitée, qu’en face  du miracle de Saint-Soleil Malraux compare aux images non-illusionnistes, non-figuratives, des malades mentaux. Quelle est cette source que Malraux considère d’une profondeur inépuisable et que rien ne peut capter non plus ? A-t-il enfin trouvé une réponse satisfaisante  à  son  questionnement  sur  l’homme  et  la  création artistique ? Cette volonté d’expression pure n’est-t-elle pas le fonda- mental de l’homme révélé par l’art, de la sensibilité essentielle de l’être humain, du « primitif » qui est en nous ? Dans l’introduction aux Chefs-d’œuvre de l’art primitif, il est écrit qu’au cœur des arts primitifs loge la volonté de créer :

Quoique les arts primitifs suggèrent concernant l’homme ahistorique, préhistorique, mythique, ils représentent pour nous tout d’abord une attitude, peu connue dans l’Occident pendant des siècles, mais que chaque artiste connaît aujourd’hui : la volonté de créer.45

 

Dans le chapitre onze de L’Intemporel, Malraux retourne à la réflexion sur la volonté d’expression qui le préoccupe depuis sa jeunesse et ses premiers écrits sur l’art, notamment La Psychologie de l’art. La domination de cette volonté d’expression commence par le non-illusionnisme, quand on ne peint plus pour imiter, et elle remplit le vide laissé par l’illusionnisme. La volonté d’expression selon Malraux, est « le facteur inconnu qui appelle la création, lorsque nous ne savons plus définir la création par un but »46.

La « liberté » des naïfs et des peintres de Saint-Soleil s’exprime, comme le remarque Malraux par le verbe « plaire ». Mais ce sont deux libertés : différentes. Il insiste sur la différence constituant leur éloignement et leur appartenance à deux mondes de la peinture différents. C’est que les naïfs « représentent comme il leur plaît, ce qui leur plaît »47 tandis que les peintres de la communauté de Saint-Soleil peignent comme il leur plaît, ce qu’ils ne représentent pas.48 Les peintres vivent ensemble et ils éprouvent une nécessité intarissable d’expression que la peinture leur donne. Ils peignent partout, en commençant par leur cabane, les cimetières et les toiles que Tiga et Maud Robart leur procurent. Ils ne vendent pas leurs tableaux « visités ». Selon Malraux, les tableaux sont « une accession à un autre monde ». Mais au cours de sa conversation avec Tiga, Malraux est frappé par l’emploi des mots « sacré » et « religieux » : « Tiga emploie le mot sacré […] quand ils achèvent leurs tableaux et réserve le mot religieux [pour les] figures destinées au culte vaudou »49. Malraux souligne qu’il ne faut pas cher- cher des dogmes vaudou parce qu’ils n’existent pas : « L’essentiel n’est pas dans les dogmes vaudou (lesquels ?) […], il est dans l’éventualité constante du dialogue avec le surnaturel »50. Pour Malraux, par leur refus de l’imitation, de la représentation, par leur désir et leur volonté de créer un autre monde de peinture, la   peinture  de  Saint-Soleil  et  le  surnaturel  s’unissent lorsqu’il évoque « cette volonté d’accession à un autre monde ou peinture et surnaturel se conjuguent »51. N’ayant pas pour sujet la vie quotidienne, comme c’est le cas chez les naïfs, la peinture de Saint-Soleil est dotée d’une particularité qui captive Malraux. C’est qu’« il ne peut  pas être question de n’importe quel dessin, moins de n’importe quelle peinture, pour cette baignade solitaire dans leur surnaturel collectif »52. Il écrit plus loin : « par analogie et par contraste, Saint- Soleil interroge de façon pressante la naissance des arts religieux, et le nôtre »53.

Dans son entretien avec J.-M. Drot, Malraux insiste sur le lyrisme de la peinture de Saint-Soleil et sur le « miraculeux », un adjectif qui a frappé J.-M. Drot. Malraux lui explique  que  c’est parce que l’ensemble des conditions qui président à la création de Saint-Soleil est de l’ordre de l’aléatoire total et qu’il serait impossible de refaire la communauté de Saint-Soleil où que ce soit. Le lyrisme pictural des œuvres de Saint-Soleil s’explique par la nature extraordinaire de l’acte de création de l’artiste :

 

celui qui peint se trouve évidemment à l’intérieur d’un phénomène de transe. Pour lui, il ne s’agit pas de reproduire une scène quotidienne. Non ! Tout ce qui se passe à Soisson-la-Montagne… comme si les Saint-Soleil voulaient échapper au monde de la peinture. Et puis… leurs tableaux c’est quand même de la peinture, et quelle peinture !54

 

La visite au Japon en 1974, où l’ancien ministre de la culture éprouve une sensation extraordinaire devant la Cascade de Nachi, près de Kyoto, est comparable aux révélations de Saint-Soleil. Devant l’énigme de l’eau à la fois ascendante et tombante, dans une métamorphose perpétuelle, il écrit :

[…] je comprends qu’il existe une direction, l’ascension verticale qui s’oppose à la fois à l’arabesque et à la bri- sure… Ne pourrions-nous dire que la cascade est d’une manière le ‘‘sacré’’ du Soleil ? On dirait que la Cascade de Nachi tombe vers la terre, mais en tant qu’image, elle est en même temps ascendante.55

Malraux a éprouvé un paradoxe. Il était présent devant le mouvement arrêté de l’eau qui part vers le haut, se transforme au même instant en mouvement tendant vers le bas. Ce moment   bref est l’image de la fluidité absolue du temps.

La visite de la Cascade de Nachi est la rencontre de Malraux avec « la Réalité intérieure », comme il l’écrit dans L’Intemporel56. Tadao Takemoto décrit l’importance de ce phénomène oriental. Devant la cascade, Malraux est « métamorphosé en pèlerin anonyme […], son visage rayonnait comme  s’il  voulait  dire : voilà, enfin, une vraie rencontre m’attend ! »57 Malraux est bouleversé car « la Vie elle-même, et non plus l’art, […] lui parlera »58. Claude Tannery59 précise que Malraux accéda « au langage de la réalité intérieure qui préexiste à l’art, mais que l’art révèle »60. Selon Claude Tannery, jusqu’à la cascade de Nachi, Malraux est

« en combat corps à corps avec la métamorphose »61. Devant la cas- cade de Nachi, Malraux est passé de l’autre côté du miroir, il est passé « d’une loi du monde pensée à une loi du monde éprouvée […] ; il a quitté la réflexion et, pour la première fois, il est entré  dans la réalité de la métamorphose »62. Ce n’est pas par hasard si après sa visite en Haïti, en remplaçant le chapitre consacré à Goya dans L’Intemporel par le message de la peinture miraculeuse de Saint-Soleil, « il replaça l’aventure de l’art à la presqu’île de l’aventure cosmique »63.

Comme Tadao Takemoto le note fort bien, « désormais, il accepte de rester désarmé […] »64. Je rejoins l’opinion de Karen Levy, selon laquelle devant la cascade de Nachi « Malraux en- countered what I would describe as face of the cosmos, of life itself, which presented itself from a position of height and quite literally projected him elsewhere – into what Malraux himself called the “aléatoire” (uncertain) »65.

 

Qu’est-ce que la sensibilité essentielle de l’être humain ?

Il est impossible d’épuiser les exemples de recherche de la sensibilité essentielle dans l’œuvre prolifique de Malraux. Sa quête ne se limite pas aux arts plastiques, bien  que  ce  domaine  soit  pour lui privilégié. L’art des enfants, des naïfs et des fous parle le langage de la « réalité intérieure », qu’on pourrait appeler la sensibilité essentielle de l’homme.

Dans La Monnaie de l’absolu, Malraux précise que « […] c’est surtout dans la peinture, la sculpture, la littérature, qu’on croit voir l’expression instinctive de la sensibilité […] ; les enfants dessinent. L’enfant, il est d’avance hors de l’histoire »66. Il note aussi que le dessin des enfants n’est pas seul à suggérer que l’artiste veut représenter ce qu’il voit. Il y a aussi l’art naïf et l’art populaire. Mais le peintre qu’il mentionne plusieurs fois dans cet ouvrage et auquel il ne cesse de se référer dans L’Intemporel est l’autodidacte, le naïf Douanier Rousseau. Et ce n’est pas un hasard si Malraux rapproche sa peinture de celle des peintres de la communauté de Saint-Soleil. Comme eux, il est autodidacte, même s’il est toujours resté en contact avec les peintres de son temps. Il a comme modèle des lieux exotiques (la jungle), rencontrés dans des illustrations et des cartes postales parce qu’il n’a jamais voyagé. Sa peinture se caractérise  par une authenticité et une naïveté proches de la peinture des enfants. Michel Hoog écrit dans le chapitre «  Rousseau  and  His  Time » de sa contribution au livre Henri Rousseau: « Malraux noted in Rousseau ‘‘the type of childlike but cunning power that poets often have’’ and discerned the same quality in Verlaine »67.

La parenté entre la peinture de la communauté de Saint- Soleil et les tableaux du Douanier est frappante et elle est tout d’abord dans les couleurs flamboyantes. Ensuite vient la sensibilité enfantine, la naïveté. Malraux rapproche également la peinture de Saint-Soleil de celle d’un maître de la couleur, du rêve d’enfant et de la métamorphose, Marc Chagall. Enfin, Malraux unit l’art des naïfs, des enfants et des fous, en soulignant leur unique pouvoir de révéler la part la plus mystérieuse et la plus profonde de l’homme. Ces arts mènent à la source de la sensibilité essentielle de l’homme. Malraux écrit dans La Monnaie de l’absolu :

Avec ces arts [les fous, les enfants, les naïfs], nous avons ressuscité ceux, barbares et sauvages, dont les œuvres semblent incontrôlées, soumises à l’instinct individuel, mais dont nous savons qu’elles expriment des régions de l’homme profondes ou mystérieuses […]. Telles de nos ré- surrections ne mettent pas seulement en question la peinture, mais l’homme.68

La réflexion de Robert Goldwater et de Jean-Claude Bla- chère sur le primitivisme et l’art moderne, surtout les chapitres concernant l’art des enfants, des naïfs et des fous, donne toutes les raisons de relier le primitivisme et la permanence de l’homme. Comme le note bien Goldwater69, le primitivisme  cherche  l’humain : « le primitivisme contemporain peut, d’abord, être considéré comme la manifestation actuelle d’une sensibilité essentielle de l’être humain »70.

Malraux reste très attaché à la volonté d’expression de l’homme, ainsi qu’à la création artistique. Ce sont des qualités uniques pour l’homme, mais ce qui est plus impressionnant c’est que comme le note Grosse (1894) l’impulsion esthétique est commune pour l’espèce humaine. Goldwater remarque plus loin :

As Grosse did earlier, these men [modern students in primitive peoples] consider the impulse to aesthetic expression a primary or fundamental factor in human nature, one which as such is essentially similar in prehistoric, primitive, and modern civilized man.71

R.  H.  Lowie  insiste  sur  l’importance  de  l’impulsion  esthétique :

« one of the irreductible components of the human mind, as a po- tent agency from the very beginning of human experience »72.

La quête de l’art de Malraux se focalise sur le surnaturel. Pour lui le surnaturel est un facteur important pour la peinture :

« la peinture joint le surnaturel qui est un intrus légitime important »73. Selon Henri Godard, dans les Voix du silence, le but de Malraux avait été d’affirmer la valeur unique de la création artistique dans notre civilisation. Dans La Métamorphose des dieux Malraux voulait établir une correspondance entre les grandes périodes des œuvres plastiques et le fonds de croyances ou de convictions qui prévalait à l’époque de leur création. Malraux cherche derrière les croyances et les convictions, « toutes également des virtualités de l’espèce humaine »74, l’expression de l’homme toujours liée à l’expression artistique. A la fin de sa vie, il découvre dans l’art de Saint-Soleil une forme d’art d’une pureté bouleversante.

Découvert lors de son voyage en Haïti, l’art de la communauté de Saint-Soleil a non seulement frappé Malraux par  l’intensité de ses couleurs, mais l’a aussi profondément bouleversé par sa rare spiritualité. Cette découverte n’est-elle pas une révélation, ainsi qu’un espoir dans l’art et dans l’homme, dans « sa partie, la plus haute », par laquelle il devient homme ? Au bout de sa  quête suscitée par la découverte du miracle de Saint-Soleil, la conclusion pour Malraux est, comme le suggère Evelyne Lantonnet, que le domaine de l’art peut « sensibiliser [à] ce qu’il y a de fondamental en chaque être humain »75.

 

Notes :

1. André Malraux, André. Œuvres complètes. La Monnaie de l’absolu, Gallimard, La Pléiade, 2004, t. 4, p. 900.

2. Jean Paulhan, in André Breton. L’Art magique, Phébus-Adam Biro, 1991, p. 266.

3. Michaël de Saint-Chéron, Malraux, la recherche de l’absolu, Eds. de la Martinière, 2004, p.102.

4. Introduction d’Henri Godard in André Malraux, Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 2004, t. 5, p. LVII.

5. André Malraux, Œuvres complètes. L’Intemporel, Gallimard, La Pléiade, t. 5, p. 949.

6. André Malraux, Œuvres Complètes, “Préface” aux Chefs-d’œuvre de l’art primitif, Gallimard, La Pléiade, 2004, t. 4, p.1274.

7. Introduction d’Henri Godard, op. cit.

8. A noter qu’ici on ne traite pas les qualités de l’art naïf Occidental, mais qu’on essaye de souligner les différences fondamentales entre l’art de la communauté de Saint-Soleil, un petit groupe de peintres habitant

à cinquante kilomètres de Port-au-Prince, et la multitude de peintres naïfs haïtiens.

9. André Malraux, Œuvres complètes, L’Intemporel, Gallimard, La Pléiade, 2004, t. 5, p. 950.

10. Ibid.

11. Ibid.

12. Ibid., p. 952.

13. Introduction d’Henri Godard, op. cit.

14. Maryse Condé, « Vaudou, anticolonialisme, peinture naïve. Malraux et Saint-Soleil », RAMR, vol. 33, No.1, 2006, pp.13-14.

15. Ibid., p. 10-17 : « Pour essayer de comprendre, il nous faut remonter en arrière. A l’automne de 1943, un Américain du nom de Peter de Witt débarque en Haïti pour enseigner l’anglais. Comme il traversait le petit village côtier de Mont Rouis, son attention fut attirée par un spectacle qui lui parut extraordinaire. Les portes d’un bar étaient recouvertes d’une sorte de fresque mêlant des motifs de fleurs et d’oiseaux et portant cette inscription mystérieuse : Ici, la Renaissance’’. Il avait déjà remarqué le talent des Haïtiens pour la peinture et

avait ouvert à Port-au-Prince un centre d’art. Aussi, il chercha l’auteur de la fresque et finit par le trouver. Il s’appelait Hector Hyppolite. C’était un houngan, c’est-à-dire un prêtre de la religion vaudou qui vivait dans la

plus grande pauvreté. Peter de Witt n’eut aucun mal à le persuader de le suivre en ville et de se joindre à ses autres artistes qui commençaient de se faire un nom : Philomé Obin, Rigaud Benoit, Castra Bazile. Ainsi se

constitua une guilde de peintres qui n’avaient suivi aucune école et à qui Peter de Witt se refusait à donner des leçons. A quelque temps de là, André Breton passa par là et fut bouleversé par ce qu’il vit. Il prophétisa :

“Ces tableaux vont révolutionner la peinture moderne, qui en a besoin.” La vogue de l’Art Naïf Haïtien était née ».

16. Ibid., p. 12.

17. Malraux, op. cit., p. 950.

18. Ibid., p. 952.

19. Ibid., p. 950.

20. « Le dernier voyage de Malraux en Haïti ou la découverte de l’art vaudou », Musée de Montparnasse,

Paris, du 19 juin au 19 novembre, 2009 (http://www.froggy).

21. Malraux, op. cit, p. 963.

22. Ibid. p. 960.

23. Ibid., p. 966.

24. Ibid., p. 915.

25. Ibid., p. 960.

26. Ibid.

27. Ibid., p. 961.

28. Ibid., p. 960-1.

29. Ibid., p. 954.

30. Jean-Marie Drot, Le dernier voyage d’André Malraux en Haïti, Musée du Montparnasse, 2009, p. 17.

31. Ibid., p. 17.

32. Malraux, op. cit, p. 973.

33. Ibid., p. 341.

34. Tannery, Claude, L’héritage culturel de Malraux, Arléa, 2005, p. 66.

35. Malraux, op. cit, p. 130.

36. Tannery, op. cit, p. 60.

37. André Malraux, L’Homme précaire, Gallimard, 1977, p. 178.

38. Tannery, op. cit., p. 69.

39. Malraux, OEuvres complètes. L’Intemporel, t. 5, p. 955.

40. Malraux, op. cit., p. 955.

41. Drot, op. cit., p. 26.

42. Malraux, op. cit., pp. 958-59.

43. Ibid., p. 959.

44. Ibid., p. 960.

45. The Nelson A. Rockefeller Collection. Masterpieces of Primitive Art, New York, Alfred A. Knopf, 1978, p.15.

46. Malraux, op. cit., p. 963.

47. Ibid., p. 964.

48. Ibid.

49. Ibid.

50. Ibid., p. 973.

51. Ibid., p. 964.

52. Ibid., p. 961.

53. Ibid., p. 971.

54. Drot, op. cit., p. 36.

55. André Malraux, Etre et Dire. Néocritique, Editions Plon, 1976, p. 164.

56. André Malraux, OEuvres complètes. L’Intemporel, t. 5, p. 218.

57. Tadao Takemoto, André Malraux et la cascade de Nachi, Julliard, 1989, p. 89.

58. Ibid., p. 98.

59. Claude Tannery, « Le retour au verbe de Malraux », in André Malraux. Unité de l’œuvre. Unité

de l’homme, La documentation française, 1989, pp. 251-263, et p. 254.

60. Malraux, op. cit., p. 218.

61. Tannery, op. cit., p. 54.

62. Tannery, op. cit., p. 253.

63. Ibid., p. 256.

64. Takemoto, op. cit., p. 127.

65. Karen Levy, “Unforeseeable Epiphanies: Re-Encountering Malraux in Proximity with Levinas”, in André Malraux Across Boundaries (Geoffrey T. Harris éd.), Atlanta, GA, 2000, pp. 165-193, et p. 189.

66. André Malraux, Œuvres complètes, t. 4, p. 502.

67. Henri Rousseau, New York, Museum of Modern Art, 1985, p. 29.

68. Malraux, op. cit., pp. 781-4.

69. Robert Goldwater, Primitivism in Modern Art, New York, 1967, p. 33.

70. Blachère, Jean-Claude. Les totems d’André Breton, L’Harmattan, 1996, p. 56.

71. Goldwater, op. cit., p. 31.

72. Ibid., p. 34.

73. Malraux, op. cit., p. 961.

74. Introduction d’Henri Godard, op. cit.

75. Evelyne Lantonet, « L’art dans L’Espoir d’André Malraux : l’imaginaire du romancier et le palimpseste de la mémoire », RAMR, 2011, vol. 38, p. 27.