11 novembre 2024

André Malraux, Pascal Pia et le monde du livre dans les années vingt, un article de René Fayt

  

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 [Extraits] de la première page]

Pia avait de quoi séduire Malraux. Il avait mené une jeunesse aventureuse. Il devait enchanter Malraux par sa lucidité ironique, sa parfaite indépendance d’esprit et un goût marqué pour la mystification.

En 1920, lorsqu’il rencontre ce fulgurant intuitif qu’est André Malraux, Pascal Pia l’impressionne autant par sa précocité intellectuelle que par sa tranquille assurance et son nihilisme foncier. Bien que de deux ans le cadet du futur romancier – ils ont respectivement dix-sept et dix-neuf ans –, Pia a déjà derrière lui tout un parcours de poète révolté, profondément marqué par la disparition brutale de son père sur le front en 1915, par la rencontre des poètes Marcel Sauvage et René Edme et par la fréquentation des milieux anarchisants.

Malraux et Pia sont proches de l’équipe de la revue Action, fondée et dirigée depuis 1920 par le critique Florent Fels et le poète Marcel Sauvage, et c’est au sein de ce groupe particulièrement riche et vivant que ces deux jeunes aventuriers des lettres font connaissance. Ils collaborent d’ailleurs tous deux, à plusieurs reprises entre 1920 et 1922, à cet organe incontournable.

Action avait été fondée par Florent Fels et Marcel Sauvage, venus l’un et l’autre des milieux libertaires. Mais dès leur 1er numéro, ces « cahiers individualistes » prirent l’apparence d’une revue d’art et de littérature.

Fels, qui avait fait avant 14 des débuts de comédien, s’intéressait désormais à la critique d’art. C’est à Action que j’ai lié connaissance avec Salmon, avec Max Jacob et avec différents peintres : Derain, Vlaminck, Creixams, Hayden, Kisling, etc.

Après avoir infiltré subrepticement le petit monde de l’édition parisienne, ces deux francs-tireurs ne vont pas tarder à y provoquer quelques remous. Le chemin parcouru par Malraux et Pia, puis par Pia seul, est jalonné par d’innombrables trouvailles éditoriales. Depuis René-Louis Doyon, en passant par Jean Fort, Maurice Duflou, les frères Bonnel et après-guerre encore, par Claude Tchou et quelques autres, chacun aura pu mesurer l’étendue des connaissances de Pascal Pia dans le domaine des éditions érotiques et apprécier la richesse de son imagination sur le plan des supercheries littéraires.

En survolant leur étonnant cheminement, on voit défiler quelques beaux et rares spécimens de l’édition française, dignes de figurer dans l’armoire vitrée du bibliophile éclectique et même de se cacher, parfois, au plus profond du « second rayon » de tout collectionneur un peu averti.

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