Rendez-vous le 12 novembre à Nuage Vert pour un hommage à l’autrice, en partenariat avec les Amitiés Internationales André Malraux
Cette matinée historique d’hommage fut particulièrement émouvante. Claudine Bonafos a fait une intervention forte avec projections dans l’exposition « La Corrèze, refuge littéraire » (où bien sûr Emmanuel Berl et Mireille, réfugiés à Argentat, figurent de même que Gisèle Freund). Nous avons sorti des documents originaux des réserves de Nuage Vert spécialement à cette occasion en plus des pièces de l’exposition (caricature de Josette Clotis dans Marianne ou dédicace du Temps vert par Henri Pourrat)
Puis le texte de Raoul Jennar a été lu à Saint-Chamant devant l’ancienne gare. Il a beaucoup intéressé, donnant des éléments précieux sur l’autrice. Ensuite, des personnes diverses se sont exprimées qui étaient venues spécialement et dont les parents travaillaient pour le couple Malraux. Ce fut un échange de souvenirs particulièrement fort.
Pour ceux qui s’intéressent à la vie privée de nos grands auteurs, ce nom n’évoque, la plupart du temps, que celui de la deuxième femme qui ait compté dans la vie d’André Malraux. Tout au plus, parfois, rappelle-t-on qu’elle fut aussi la mère des deux fils de Malraux tués dans un accident de voiture et qu’elle-même était morte tragiquement, ici-même dans la gare de Saint-Chamant, les jambes broyées par un train, en 1944. Bien souvent, ces évocations servent à compléter le tableau tragique de la vie de l’auteur de La Condition humaine.
André Malraux et Josette Clotis viennent fin 1942 à Saint-Chamant avec leur fils Gauthier, dans ce village jouxtant Argentat où Emmanuel Berl et Mireille étaient cachés par des Justes. Josette Clotis y donne naissance en 1943 à leur second fils Vincent. Dans cette vie supprimée si brutalement, Saint-Chamant est donc un lieu très important.
Nuage Vert (nuage-vert.com) a décidé de lui rendre enfin hommage le 12 novembre, jour de sa disparition.

Texte de Raoul-Marc Jennar lu par Laurent Gervereau : Josette Clotis, une romancière
Gare de Saint-Chamant, Corrèze
Avant que Malraux entre dans sa vie, Josette Clotis existait déjà comme auteure. Et une œuvre, certes modeste vu sa courte destinée, lui survit. C’est à la femme de lettres, à la romancière et à la journaliste, que j’entends rendre hommage, 81 ans après la disparition de celle qui a trop souvent et trop exclusivement été présentée, de manière très réductrice, comme « la femme de. »
Femme de lettres, donc. Quand on lit ses trois livres publiés, Le Vannier, écrit entre 14 et 18 ans et publié en 1930, alors qu’elle n’a que vingt an ;, Le temps vert, commencé quand elle a quinze ans, terminé en novembre 1925 et publié en 1932 ; Une mesure pour rien écrit à 24 ans et publié en octobre 1934, 6 mois après son anniversaire, et, quand on consulteles ébauches de roman, les notes, bref, les centaines de feuillets qu’elle a noircis de son écriture ronde, incontestablement, on se trouve bien en présence, dès son plus jeune âge, d’une femme de lettres, dévorée par la passion d’écrire et, comme elle l’a confié, par l’intense désir de « marquer sa trace sur les pierres ».
Une femme de lettres qui fut aussi une épistolière intarissable. Ses centaines de lettres à l’écrivain Jean Tenant, à la poétesse Jeanne Sandelion, à la journaliste et romancière Suzanne Chantal et à André Malraux méritent d’inscrire Josette Clotis parmi les grands noms – on pense évidemment à Mme de Sévigné – de ce genre malheureusement en voie de disparition qu’est le genre épistolaire.
Que retenir des trois romans publiés ?
Le Vannier, c’est une chronique villageoise où sont narrées les amours contrariées avec le vannier local de quatre héroïnes mal mariées. Dans une langue qui reproduit le parler lapidaire de ceux qui sont économes de leurs mots, ce roman offre une description simple et crue des drames et des passions qui enflamment un village du Rouergue, comme si l’auteur en était la spectatrice.
Dans Le Temps Vert, nous sommes les témoins des tribulations dans le temps et l’espace d’Adrienne, l’héroïne du roman, de ses deux sœurs, Annette la cadette et Elisabeth l’aînée, de ses cousines, ballotées d’un coin à l’autre du pays occitan, de l’Auvergne, de l’Aveyron, du Languedoc, suite au décès du père et au départ de la mère vers la ville. Au travers de ces pérégrinations, on découvre la régularité des vies aux champs, le cérémonial et la gravité des gestes sempiternels que ramènent avec les mêmes plaisirs chaque saison, chaque activité agricole, chaque fête religieuse. Ce qui nous donne des tableaux vrais, comme ces hommes du village venus rendre un dernier hommage à un défunt dont Josette nous dit « Ils avaient leur moustache encore humide de vin et parce qu’ils s’étaient décoiffés, ils ne savaient que faire de leur chapeau crasseux entre leurs doigts. » Josette Clotis a le don de tout peindre avec des couleurs justes. A cette enfance chaleureuse succède le récit d’une adolescence heureuse, mais où pointe la nostalgie du paradis perdu. Et un constat que fait Adrienne : « on se fait soi-même, on est seul ». Le Temps Vert, c’est le temps de la jeunesse avec l’insouciance qui la berce, les défis qu’elle rencontre et les espoirs qu’elle bâtit.
Dans Une mesure pour rien, la jeune héroïne, c’est Marie-Pilar Quintana que tout le monde appelle Ukulele. Amoureuse de Peter Davidson – Pierre – qui est en fait le premier amour inavoué de Josette, on lui donne le surnom de Chili. Dans le roman, qui se déroule en pays de Loire, on découvre le jeu tragique d’un amour inaccompli. Comme Pierre dans la vraie vie, Chili meurt en pleine jeunesse. La jeunesse est une nouvelle fois au cœur du récit, l’effritement de l’enfance et des beaux rêves, « la jeunesse qui s’usait à mesure de chaque seconde que balançait le balancier de bois de l’horloge. » ainsi que le déplore l’héroïne en réponse à l’interrogation de Pierre « est-ce qu’on n’est plus jamais petit ? » En lisant ce roman, le critique littéraire Jean Tenant, s’est demandé à plusieurs reprises « s’il n’y avait pas là un sujet de l’envergure – quoique différent et même à l’opposé – des Liaisons dangereuses, les innocents de Josette Clotis allant à la catastrophe du même pas que les roués de Choderlos de Laclos. »
Aux œuvres publiées, il faut ajouter les ébauches de nouvelles et de romans, travaux malheureusement inachevés, rassemblées dans une valise dont on espère qu’un jour, on retrouvera le contenu à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Pour ma part, j’ai relevé trois titres qui témoignent d’un travail parfois bien avancé : Du point du jour, dont nous avons 98 pages, Conseils au jeune homme, 42 pages et Livre pour le bonheur, 30 pages.
L’écriture de Josette Clotis respire la province, la vraie vie des vraies gens. Une écriture où éclate la joie des détails, la justesse de la parole. Elle restitue la vie telle qu’elle se déroule sous ses yeux. Elle trouve la forme juste pour exprimer ce qu’elle donne à voir, pour dire l’insouciance de la jeunesse et le tragique de la vie. Elle nous rend, comme l’écrit le préfacier du Temps Vert, « cette intelligence qui vient de la terre ». Même loin de ses racines quand elle écrit ses trois romans à Beaune-la-Rolande, dans le Loiret, la fille du Midi sent ce qui vient du plus profond d’elle-même. Il y a du Giono, du Pagnol et du Ramuz chez Clotis, le tragique de la jeunesse en plus. « C’est rare une extrême jeunesse qui sait ne pas sortir du naturel », écrit à propos de Josette l’écrivain Henri Pourrat, Prix Goncourt, Grand prix du roman de l’Académie française.
C’est sur le conseil de Jean Tenant que Henri Pourrat a déniché Josette Clotis. Jean Tenant était, dans les années 20-30 du siècle passé, le directeur d’une revue stéphanoise « Les Amitiés Foréziennes et Vellaves ». C’est à lui que Josette Clotis, sur le conseil de Jeanne Sandelion, a envoyé le texte d’une nouvelle intitulée « L’histoire d’une petite mariée ». Frappé par l’âpreté acide et la fraicheur souriante du texte, Jean Tenant l’a publié. Après la publication, Josette lui a écrit « Vous aurez été mon parrain ; si je suis un jour Colette, je vous le devrai. » Il a envoyé la nouvelle à Henri Pourrat.
Membre d’un jury littéraire en Auvergne, dont Josette Clotis remporta le prix avec Le Vannier, Henri Pourrat a ainsi découvert Josette. C’est lui qui, avec elle, a réalisé le travail éditorial de son deuxième roman, Le Temps Vert. C’est lui qui a introduit Josette auprès de Gaston Gallimard et du groupe de la NRF et c’est lui, l’auteur de la préface du Temps Vert. C’est lui, enfin, qui poussera Gallimard à engager Josette dans l’équipe de Marianne, le nouvel hebdomadaire littéraire et politique que vient de fonder la NRF. Elle y rencontre Emmanuel Berl et Pierre Brossolette. Elle participe aux dîners dominicaux des Gallimard, rue Méchain, à Paris. A partir de ce moment-là, elle côtoie Antoine de Saint-Exupéry, Pierre Drieu la Rochelle, Marcel Arland, Roger Martin du Gard et … André Malraux. Mais ceci est une autre histoire.
Si elle ne devint jamais Madame Malraux, elle demeure pour toujours la romancière Josette Clotis. L’œuvre qu’elle nous laisse mérite d’être à nouveau publiée.
Raoul Marc JENNAR
Essayiste. Vice-Président des Amitiés Internationales André Malraux
Auteur de « Comment Malraux est devenu Malraux » (2015)
Texte lu par Claudine Bonafos.
Bonjour. Je suis émue d’être parmi vous et de célébrer en ce jour particulier ma grand’tante Josette Clotis.
Je m’appelle Claudine Bonafos et je représente cette grande lignée Clotis. Je m’adresse à vous au nom des familles : Clotis, Salètes, Goze, Barris. Nous sommes les cousines germaines et petits cousins de Josette fille unique de Joseph et Adrienne Clotis . Joseph Clotis était le frère de mon arrière-grand-père Jean Clotis. Josette était la cousine germaine de ma grand-mère Jeannette et de ma tante Lucienne filles de Jean et Victorine Clotis. Josette était très présente dans notre famille.
Aimée et appréciée de tous , elle était une femme catalane moderne, raffinée, délicate, qui avait eu l’audace de devenir écrivaine à cette époque-là et d’évoluer dans un milieu parisien. Elle apportait un vent de liberté, une voix originale par sa fine observation de la condition féminine et des mœurs de son temps. Un lien particulièrement affectueux existait entre Josette et mon arrière-grand-mère Victorine, qu’elle appelait « sa petite tante ». Josette et ses parents, venaient partager des moments de vie à Elne, entre la maison, le jardin, la « paraguère », c’était les lieux de vie de mes arrières grands parents en pays catalan. La famille réunie y appréciait la bonne cuisine catalane au feu de bois et l’été se retrouvait au bord de la méditerranée à St Cyprien, dans les cabanes de pêcheurs, pour quelques jours de vacances. C’était un lien familial aimant et solidaire, un même engagement aux valeurs humaines. Ils partageaient aussi des choix politiques, défendaient les valeurs de la résistance, comme en témoigne la correspondance de Joseph à son frère et belle-sœur, dans laquelle il donne aussi des nouvelles de Josette et André durant la guerre et des nouvelles de leurs enfants. Nous avons toujours entendu parler de la vie intense de Josette. Sa vie de femme passionnée, de mère, de son histoire inédite avec André Malraux sous le signe de l’attente et de la création et de son amour pour André Malraux, de ses deux fils Gauthier et Vincent et de leur destin tragique. Cette histoire a marqué nos imaginaires autant dans l’admiration que dans les épreuves. A 34 ans, Josette nous quitte effroyablement, cette tragédie s’inscrira dans le récit familial.
Nous restons sensibles à son courage, sa spontanéité, son amour pour la vie. Et si elle fréquente les cercles littéraires parisiens, elle fait aussi le choix de préserver le lien familial, de le nourrir d’affection et de tendresse. Sa lumière aujourd’hui nous rend reconnaissant de cette sincérité et sommes heureux et fiers de lui rendre hommage. Si aujourd’hui nous reparlons de l’écrivaine, de sa mémoire, de ses livres, « le temps vert », inspiré de sa jeunesse dans le midi, « une mesure pour rien », « le vannier », c’est aussi pour mettre en lumière la simplicité des gens de la terre, qu’elle connaissait de par ses racines et qui lui parlaient au cœur. Dans cet esprit, plus tard, elle souhaitera acquérir une vigne à Elne, que travaillerait son oncle Jean. Malheureusement, la vie ne lui a pas permis de réaliser ce souhait. Nous n’oublierons en ce jour l’hommage de Suzanne Chantal à Josette, grâce au livre « le cœur battant », préfacé par André Malraux. Une célébration à l’amour, à la légitimité de leur histoire, à sa place honorable en tant qu’écrivaine et à l’amitié. Ce livre a largement été partagé dans la famille, ainsi que tous les articles les concernant.
Nous sommes aussi très heureux de la rencontre amicale et chaleureuse avec Marie Chantal Dos Santos, fille de Suzanne Chantal, qui nous partage des souvenirs précieux et qui relie image, récit, correspondance avec une grande empathie. Elle est un témoin important et essentiel de la vie de Josette. Comme elle aime si bien le dire ellle est le dernier maillon de la chaîne. Toutes les deux nous les apprécions et les considérons comme des passeuses de mémoire. Une pensée aussi pour Marthe Barris Clotis, petite cousine de Josette, qui a ravivé cette mémoire familiale et a donné une vision sensible de la conférence de Marie Chantal Dos Santos. «Je ne vous ai pas encore tout dit» à l’association ALTAIR de Montesquieu les Albères en catalogne, Marthe retranscrit sous le format d’un livret conférence, des notes, des photos sublimes, des histoires croquantes de vie. Toute une harmonie qui témoigne de l’importance de ce que devant vous, je viens d’évoquer.
En ce jour commémoratif du 12 novembre, nous sommes conscients, en tant que famille, qu’être là, est un signe de transmission de tout ce qui traverse la vie et au-delà, une marque de respect et d’amour que nous dédions à Josette.
Les familles Clotis remercient infiniment l’association Nuage Vert pour son exposition « La Corrèze refuge littéraire » Les Amitiès Internationales André Malraux et tous ceux qui oeuvrent à transmettre la mémoire de Josette Clotis et André Malraux.
Claudine Bonafos, Bernard Bonafos, Agnès Bonafos, Margot Bonafos
Marthe Barris
Audrey Ducros, Vincent Ducros, Nathan Ducros Suc
Luc Maubon
Jean Barris Maryse Barris
Julie Barris
Kandou Soumboundou, Jaden Soumboundou, Kiara Soumboundou
Merci à vous tous, le 12 novembre 2025 Saint Chamant / Argentat 19400
