Hommage aux combattants de la brigade Alsace-Lorraine et à leurs fondateurs André Malraux et André Chamson, Montauban le 10 septembre 2018

Pierre Coureux, président-fondateur des AIAM a représenté l’association à l’occasion de cet évènement. Articles dans la presse :
Alsace Lorraine n°1
Alsace Lorraine n°2

Lire également le texte envoyé par Frédérique Hébrard.


Texte de Frédérique HEBRARD – 10 septembre 2018 – Montauban

Je suis née deux fois…
La première fois, à Nîmes la romaine, sous la garde de la Tour Magne, la deuxième fois, ici, chez vous, à Montauban, précisément au 30 rue de la Comédie, dans ce lieu magique que mon père baptisa tout de suite « La Chambre de Goethe ».
Goethe ! J’étais choquée…
Il était allemand, Goethe, et nous étions toujours en guerre avec Hitler !
« Mais pas avec Goethe, cria papa ! Goethe n’appartient pas à Hitler ! Ce serait la fin du monde. Il est à nous tous… comme le soleil ! C’est pour ça qu’on se bat…. Goethe, il est à toi ! »
Je reçus ce cadeau, comme seuls les enfants savent recevoir et là, dans la faim, le froid, la peur, mon père m’apprit la France et la République.
Le soir, je faisais mes devoirs sur la même table que lui. Il écrivait avec fureur… je lisais par-dessus son épaule : « J’écris pour le jour de la liberté… » et je savais que ce jour arriverait car je la voyais se préparer, la Liberté. Au Lycée où la merveilleuse Mlle Soulié, la directrice, ma première résistante, nous faisait chanter La Marseillaise plutôt que Maréchal, nous voilà, tous les matins, Mlle Soulié qui cachait des Juifs dans son bureau avant de les faire partir pour l’Espagne et l’Amérique.
Je la voyais se préparer, la Liberté, dans la Chambre de Goethe où se croisaient des curés sans soutane, des soldats en civil, des Alsaciennes déchirées dont l’une devait devenir la première femme pasteur de France, Mlle Schmidt.
Je savais que je devais me taire, ne rien dévoiler du tout, et surtout ne jamais parler du Monsieur de Vienne et de la cantatrice qui se cachaient dans le grenier. Je savais aussi que si mes parents étaient là, c’était pour veiller sur des chefs-d’œuvre, devenus créatures sans domicile fixe… La Joconde, Les Noces de Cana, L’embarquement pour Cythère…
Je savais surtout que mon père, un jour, repartirait vers la guerre, comme il en avait fait le serment au château d’Opme.
Et je savais qu’un jour, au nom de la Brigade Alsace Lorraine, les deux André, Malraux et Chamson, iraient à Domrémy saluer au garde à vous une bergère qu’ils appelaient « le premier général FFI ».
Je n’ai rien oublié et si je ne suis pas avec vous, en ce jour émouvant, c’est à cause de « l’exorbitance de mes années », comme aimait le dire Monsieur de Chateaubriand. Mais mon cœur est ici avec celle que j’appelle « ma sœur ès-lettres », elle qui veut bien vous transmettre ce message d’amour et de fidélité.
Vive Montauban !
Cette médaille que vous me donnez, je la reçois en souvenir de tous ceux qui me montrèrent le chemin, ce sont eux qui la méritent. Merci !
Frédérique Hébrard