Moncef Khemiri : Le travail de l’écriture d’après les dossiers de genèse de La Métamorphose des dieux d’André Malraux

Le travail de l’écriture d’après les dossiers de genèse

de La Métamorphose des dieux d’André Malraux

 

Par Moncef Khemiri
Article paru dans la revue Présence d’André Malraux, N°IV, 2005

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Extrait :
« Les archives livreront un jour le secret de cette œuvre tendue vers une perfection dont le souci n’a jamais quitté Malraux (… )»

Manès Sperber, « Un pascalien sans religion », Les Nouvelles littéraires, 25 novembre 1976, p.3

Se pencher sur les documents d’archives concernant la genèse de la Métamorphose des Dieux

comme le propose ci-dessous Moncef Khemiri, qui a participé à l’établissement et à l’annotation

du texte pour l’édition dans la Pléiade, c’est apporter un démenti à la légende d’un ouvrage

composé au fil de la plume, épousant à l’aveuglette les fulgurances d’un esprit brillant. C’est, au

contraire, dévoiler le travail et les incessantes recherches d’une écriture de montage en

mouvement perpétuel où les fulgurances ne sont pas un point de départ mais un résultat.

 

Même si André Malraux pensait que son œuvre ne se confondait nullement avec les

différents états du texte qui l’a engendrée – « Vous savez que je n’ai jamais tenu pour mien que

le texte corrigé sur les épreuves d’imprimerie…» écrivait-il à Daniel Halévy, en 1927 – l’on peut

cependant estimer que ses écrits sur l’art auraient tout à gagner de voir levé le voile sur le secret

de leur fabrication, car ils ont longtemps pâti d’un préjugé défavorable, encore tenace de nos

jours, et selon lequel ils ne seraient qu’un pot pourri de libres propos. Ce préjugé a

paradoxalement été renforcé par les nombreux entretiens télévisés auxquels l’auteur s’est prêté

volontiers, et où on le voit parler avec une si grande facilité des arts et des civilisations les plus

anciennes, et formuler sa pensée dans des « raccourcis si fulgurants», comme l’a souligné André

Chastel (« André Malraux, l’homme de la métamorphose », in L’image dans le miroir, collection

« Idées », Gallimard, 1980, p.138). Ce qui a laissé croire qu’il aurait écrit ses essais esthétiques

avec la même facilité. Alors qu’en réalité, il ne parle si bien de l’art que parce qu’il a déjà

beaucoup réfléchi et beaucoup écrit sur les questions qu’il aborde avec les journalistes. Les

propos très brillants qu’il tient à Pierre Dumayet ou à Jean-Marie Drot et les formules

éblouissantes qui viennent s’incruster sur l’écran , dont quelques unes ont été transcrites par

André Brincourt pour les lecteurs du Figaro littéraire (n° 1464, 8 juin, 1974), proviennent en

effet pour la plupart d’entre elles, de ces « livres sur l’art » dont l’écriture et la composition ont

été particulièrement laborieuses.